Bibliographie inédite des publications françaises sur Nietzsche 1868-1940

(Laure Verbaere et Donato Longo)

 

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André Marceron (1881-?)


En 1912, André Marceron est professeur de philosophie au Collège de Libourne.



MARCERON André, La morale par l'Etat, Paris, Alcan, 1912.

Montre les inconvénients de l'enseignement de la morale quand le spiritualisme officiel a régné: il "a toujours trouvé des révoltés ou des adversaires parmi les fonctionnaires du corps de l'instruction publique. D'où une attitude hypocrite de la part de ces derniers s'ils voulaient conserver leur situation, ou des luttes pénibles dans lesquelles la victime seule était sympathique, puisqu'elle succombait armée du droit de la liberté de conscience qu'on lui avait reconnue quand elle n'était pas encore ennemie. — C'est qu'une affirmation administrative apparaît toujours comme une affirmation d'autorité. C'est la prescription d'un homme ou de quelques-uns. Mais pour des esprits libres une telle affirmation n'a pas de valeur. Elle ne pourrait en avoir que si elle se rattachait à une décision de la puissance souveraine. Or, nous avons vu l'impossibilité pour l'État de prendre de pareilles décisions. Car une métaphysique d'État ainsi proclamée deviendrait tout de suite une religion." (p. 30)

Se demande alors si l'Etat ne pourrait pas, "sans faire sienne une doctrine, laisser à ses fonctionnaires éducateurs la liberté de choisir celle qu'il leur plairait de prendre comme base de leur enseignement moral ?"

Répond: "Nous pensons que cette solution présenterait les plus énormes inconvénients. Car d'abord la multiplicité des métaphysiques entraînerait une multiplicité des systèmes moraux, et dès lors que deviendrait l'unité nationale! Comment! avec le prestige que donne la fonction pédagogique déléguée pal l'État, l'un enseignerait le vol, et l'autre la probité, l'un la communauté des biens et l'autre le respect de la propriété, celui-ci l'énergie audacieuse et qui fait fi des plaintes des faibles, celui-là la résignation de la pitié, le nietzschéen

la morale du surhomme, le lolstoïsant la morale des esclaves ! El le jour où un de ces philosophes qui préféreraient voir périr l'humanité plutôt qu'un principe se serait, dans toute l'ardeur de sa jeunesse et de sa naïveté, enthousiasmé du pessimisme de Schopenhauer, et prêcherait non pas seulement le suicide de l'espèce el le célibat impénitent, comme l'a fait le maître, mais aussi, comme il est dans la logique de la doctrine, le suicide individuel, l'État n'interviendrait-il pas? Mais au nom de qui interviendrail-il? Après avoir proclamé la liberté du choix métaphysique du professeur, de quel principe s'autoriserait-il pour le frapper? Il le punira pour sa morale, dira-t-on, et non pour sa métaphysique. Mais encore une fois pour quelle raison? (p. 30-31)