Bibliographie inédite des publications françaises sur Nietzsche 1868-1940
(Laure Verbaere et Donato Longo)
IDE M., "Les théories d'Einstein", in Journal des sciences médicales de Lille, 23 octobre 1921, p. 274-279.
Issu de la Revue médicale de Louvain.
Soutient que l'"adulation des intellectuels boches pour Einstein, ressemble très fort à celle qui allait il y a dix ans vers le philosophe Nietsche.
Avant la guerre, les vitrines des libraires boches avaient autant de tracts sur Nietsche que maintenant sur Einstein: Nietsche et Socrate, Nietsche et le Christianisme, Nietsche et la Science, Nietsche et l’Etat! Nietsche était à toutes les sauces. Nietsche avait inventé le Surhomme boche; pour Nietsche, Macht geht vor Recht, la pitié et la charité sont des vices, les peuples ne doivent servir qu’au plaisir du tyran, le Christianisme est un recul de la civilisation, la Science est un facteur inhibitif de l’Instinct supérieur; le Surhomme doit être le jouisseur le plus satané. Pour nous, médecins, Nietsche est un dément paralytique, dont les livres ont été écrits après un premier internement, alors qu’il ne pouvait plus donner ses cours à Bâle, et alors qu’il n’a cessé d’écrire que pour faire la crise finale et mortelle de démence.
Les pages se suivent sans preuves ni raisonnements, et répètent dans un délire d’orgueil les élucubrations les plus saugrenues contre le Christ et la civilisation. Mais Nietsche flattait l’orgueil germanique et c’est avec les principes de Nietsche que les boches ont déclenché la guerre mondiale et nous ont envahis. Nous avons souvent dit qu’ils étaient tous fous, c’était Nietsche qui les avait rendus tels.
Quand on a vu les intellectuels boches se mettre à plat devant Nietsche, l’aduler comme le plus grand réformateur, comme le prophète de l’ère nouvelle, (l’ère germanique que leurs journaux nous annonçaient, fin 1914), alors on ne s’étonne plus de rien.
La platitude devant le maître, l’absence de critique devant la théorie du maître, l’amour du nébuleux, la peur de remettre le bon sens au-dessus des rodomontades magistrales, tout cela est bien boche et bien le fruit de toute l'éducation boche.
Nous ne pouvons nous empêcher de croire que nous nous trouvons ici devant un nouvel échantillon du même esprit.
(Revue médicale de Louvain)"