Bibliographie inédite des publications françaises sur Nietzsche 1868-1940 (Laure Verbaere et Donato Longo)
1868-1910: BIBLIOGRAPHIE ET COMMENTAIRES DE LAURE VERBAERE
ALBERT Henri, Nietzsche, Paris, Sansot, 1903. (Collection "Les célébrités d'aujourd'hui)
DUMESNIL Georges, L'âme et l'évolution de la littérature, des origines à nos jours, tome 2, Paris Société française d'imprimerie et de librairie, 1903.
Contient le chapitre "Le surhomme. Nietzsche" (p. 285-305)
Soutient que le surhomme a été inventé pour ainsi dire simultanément par Renan et Nietzsche (p. 285).
Précise qu'il "a été publié une infinité d'études sur Nietzsche. V. celles de MM. Fouillée, Vaihinger, etc." (p. 287)
Estime que "la destinée de Nietzsche comme écrivain est singulière. Les philologues ses confrères sont unanimes à regarder les étymologies qu'il lui arrive de donner comme entièrement imaginaires, erronées et sans fondement. Les esthéticiens et les historiens ne peuvent considérer ses ouvrages sur la tragédie grecque que comme de brillantes fantaisies, amplifications de thèmes psychologiques connus. Les philosophes ne sont pas gens à s'émouvoir de ses croyances arbitraires et creuses sur la physique générale de l'univers. En ce qui concerne les religions, il extravague. Les idées qui lui sont le plus chères sont fausses ou appartiennent à d'autres. Mais l'accent peut être original. D'ailleurs il se défend d'avoir et de proposer aucun système, bien qu'il ait, dans le sens large du mot, une doctrine. Tout, selon lui, est individuel c'est peut-être là un des points les mieux fixés de sa pensée; et tout dans l'individu est en mouvement. C'est être fidèle à sa propre manière de penser que de l'interpréter en l'accompagnant pas à pas" (p. 287-288).
Analyse puis conclut:
"Il n'y a pas lieu de parler expressément d'une philosophie à propos de Nietzsche. Parfois il interprète sa pensée comme une sorte de spinozisme forcené (2); mais on trouverait cent passages où il s'ôte à lui-même et aux autres tout droit d'en' donner aucune appréciation fixe et de la juger d'après aucune mesure et aucun étalon. On la caractériserait peut-être suffisamment en disant qu'elle exprime une morale de fourmis rouges.
Quels en seront les effets ? Il faut avouer que, depuis quelques années, l'Allemagne nous a atteints par des manifestations de son génie qui, en accusant peu de sérieux, sont d'une nature remarquablement peu sympathique. L'Unique de Stirner, qui nous est parvenu, il est vrai, tardivement, mais apporté par un vent qui a soufflé depuis peu d'outre-Rhin, les œuvres de Nietzsche, le monisme lourd et superficiel de Haeckel n'ont rien qui gagne les cœurs ni qui grandisse les esprits. [...]
Il n'est pas douteux que Nietzsche ne soit appelé à demeurer, jusques à quand? un des principaux oracles du germanisme (Deutschlum), au sens désobligeant du mot, et il est à craindre que les hommes de sa race et de sa langue n'en retirent dans de mauvaises heures la leçon de dominer sans souci du droit, à titre d'humanité d'autant supérieure qu'elle serait plus violente. D'une manière générale, les écrits de Nietzsche sont un arsenal d'armes à employer sans scrupule, la panoplie d'un barbare méchant et le chant de « la Volonté de puissance » est le péan d'une férocité qui se prétendrait justifiée par ses triomphes.
De lui pourtant, le haut artiste sensible et torturé, comme de Stirner, l'énergique Cyclope, de ces deux détestables énergumènes un précieux élément moral pourrait peut-être en de certaines circonstances être dégagé, s'il est vrai qu'un peu de bien puisse être par fois tiré du mal: je veux dire un ferment actif de résistance à un Etat qui monstrueusement irait à absorber tout le droit naturel de l'individu, et à une société qui par le moyen de l'Etat tendrait au nivellement général et à la commune platitude" (p. 304-305).
GIDE André, Prétextes, Paris, Mercure de France, 1903.
Ibid., 1913 (5ème édition).
Ibid., 1921
Ibid., 1929.