Nietzsche dans la presse et les revues françaises en 1918


(...), considérez le tableau émouvant que nous trace la sœur de Nietzsche des dernières années de son frère, le vrai tableau de la mort vivante. Voilà le corps vivant qui survit à la mort de l'intelligence. Quand nous nous représentons ce corps vivant comme étant encore le corps de Nietzsche, nous employons en fait un artifice de personnification. Il nous faut, par l'imagination, placer l'esprit de Nietzsche dans son corps en vue de concevoir qu'il est absent en fait.

H. Wildon Carr, "L'interaction de l'esprit et du corps", in Revue de métaphysique et de morale, janvier 1918

Il [Bergson] a comme humanisé et régénéré notre philosophie, en la faisant plus sensible et plus accessible. Il a su grouper autour de lui les meilleurs parmi les jeunes esprits de France qui, quelque temips, quand Bergson ne leur était point encore connu, allèrent traîner et s'épuiser dans les ténébreux labyrinthes du génie brutal, insensé et vain de Nietzsche.

Maurice Prax, "MM. Bergson et Doumic proclament leur foi dans les destinées de la France", in Le Petit Parisien, 25 janvier 1918



Ne nions point la grandeur farouche, les sensations fortes, qui s'exhalent de quelques pages de Nietzsche. Il enseigne à nos jeunes générations la passion de vivre et de vouloir. Qu'il est loin le temps des Werther! Toutefois nous avons des raisons de craindre que la mâle et sévère énergie du nietzschéen ne soit pernicieuse. Les événements ne démentent pas notre impression. Les Allemands ont trop bien compris ses leçons, eux, qui s'exaltent dans leur besogne sanglante, stupide, monstrueuse.

"Les maîtres de l'avenir. IV Nietzsche et Guyau", in Bulletin mensuel de l'école de Sonis, janvier 1918


Depuis l'apparition des premières traductions de ses oeuvres jusqu'en 1914, le philosophe allemand Frédéric Nietzsche a joui chez nous d'une grande faveur. (...) On le citait partout. Que dis-je? Il avait même atteint les régions éthérées du snobisme: à table, de gracieuses voisines vous parlaient de la Volonté de puissance et de la Morale des esclaves. - Avec la guerre, le nietzschéisme français subit une éclipse. (...)

La guerre, telle que ses compatriotes l'ont conçue et conduite, aurait réjoui son coeur; on peut dire qu'il l'avait souhaitée, prévue et prédite.

Lucien Pinvert, "Deux prophètes, Balzac et Nietzsche", in Revue des études historiques, 1918

Il faut, pour une telle réalisation de théories immoralistes, que le nouveau Hun, frotté de science, le cynique contempteur du droit, de la dignité humaine et de la pitié, renferme un malfaiteur né, un véritable uomo delinquente, un fauve en puissance, sinon toujours épanoui. La perversion intellectuelle n'aurait pas sufli. Les idées seules ne sont pas, si puissantes. Ce ne sont pas les sophismes seuls et les vues fragmentaires d'un Fichte, d'un Nietzsche, d'un Hockel, d'un Ostwald, d'un Treitschke et d'un Bernhardi, qui auraient changé le chien en loup et poussé si avant les Germains dans le banditisme. Aussi bien, tous ces docteurs eux-mêmes n'obéissaient-ils qu'à une hérédité vicieuse, à une tare inconsciente de leur atavisme, quand ils tiraient et déformaient dans un sens immoral le Panthéisme, le Darwinisme, l'Étatisme et les idées bibliques.

C. Journelle, "Les Allemands dans les régions envahies", in Nouvelle Revue, février 1918



(...) M. Gabriel Huan veut à son tour mettre en lumière les idées fondamentales du nietzschéisme, en dégager la signification, l'enchaînement et la portée; il y a été poussé par le désir de se rendre compte si le créateur du surhomme était, ou non, "le théoriciens du militarisme prussien"; s'il était, ou non, "directement responsable des méthodes de guerre pratiquées par les armées allemandes".

Son résumé est clair, (...) mais on distingue mal ce que l'auteur même du résumé en pense. Est-il de l'avis de ceux qui voient en Nietzsche un pur Boche, ou de l'avis de ceux qui font de lui un génie universel?

Félix Bertrand, "G. Huan. La philosophie de Frédéric Nietzsche", in Revue Critique des idées et des livres, février 1918


Et voici l'attitude de qui, vraiment, rigoureusement, veut s'en tenir au fait dans l'enseignement, dans la morale. « Ne moralisons plus. Exposons les faits objectivement, impartialement. Les enfants concluront ensuite. Sauvons l'enfant de la tyrannie paternelle et de l'empreinte de l'Etat. » Renseignons-le, sans rien lui enseigner. La société et la morale deviendront ce qu'elles pourront », ou, si l'on veut, c'est lui qui instituera la morale et la société de demain. A merveille; mais alors ne disons pas que l'enfant découvrira avec «leur caractère de pérennité et d'universalité » de commandement s'imposant à tout homme raisonnable, ces réponses de la conscience collective : Respecte et aide tes parents. Aime tes semblables. Cultive-toi. Nous n'en savons rien, positivement rien ; la morale est en perpétuel devenir : la science se fait. C'est le secret de l'avenir. L'enfant peut un jour interprêter la vie comme Nietzsche ou Stirner et renier les devoirs.

Ch. Chabot, "L'enseignement positif de la morale", in Bulletin des institutrices catholiques de l'enseignement primaire, mars 1918


Trop de mauvaises philosophies, celles du subjectivisme, celles de l'Inconscient, celles du surhomme. Ce sont ces philosophies qui ont fait la guerre et qui en ont organisé puis canonisé les atrocités. Nous voulons revenir à la philosophie de l'Eglise, de la tradition, de la raison sage et modeste, du bon sens (...).

"Les Intentions de la Providence dans cette Guerre", in Bulletin paroissial Notre Dame de la Croix, mars 1918

Sous l'influence de je ne sais quels dangereux rêveurs, elle [la France] a cru à l'Allemagne sentimentale et idyllique. Elle vient de la voir aujourd'hui à l'oeuvre : barbare, brutale, revenue à sa vraie nature, dépouillée de toute humanité. (...)
Nous saurons désormais, et à tout jamais, que ces prétendus surhommes n'ont rien de l'homme ; que la guerre actuelle les remet au temps d'Attila et des invasions barbares.

Dufayard, "Une visite aux pays envahis", in Rapports et délibérations. Savoie, Conseil général, avril 1918



Les voyez-vous qui s'avancent à travers les villes et les villages qu'ils brûlent sans pitié, détruisant les églises, fusillant les prêtres, violant les femmes et les filles, assommant les petits enfants, commettant partout des atrocités sans nom, dignes des pires époques de la barbarie et des invasions des Vandales et des Huns ! Ce sont toujours les mêmes que décrivaient les historiens latins d'il y a vingt siècles, avec leurs yeux bleus, leurs cheveux roux, les corps gigantesques, avec, en plus, leur superculture, leur science de Surhommes... véritable régression d'humanité.

Pierre Duroc, "Ce qu'on dit et ce qu'on fait à Nancy", in Pages de guerre, avril 1918

L'Allemagne a voulu faire grand, car tout chez elle doit être colossal comme son orgueil. On la dirait imprégnée de la géniale folie de Nietzche qui lui a enseigné le surhumain. Mais sa doctrine trop subtile n'a pas été comprise par les cerveaux des grands chefs qui n'ont réalisé que l'inhumain.

M. Gentil, "Séance du 22 avril. Discours du Président", in Rapports et délibérations du Conseil Général des Deux-Sèvres, avril 1918



Depuis longtemps j'avais lu Goethe et Schopenhauer (...). Mais une insurmontable répulsion me retenait toujours d'aborder Nietzsche, une de leurs plus grandes gloires, ce Nietzsche dont ils sont si fiers; je m'imaginais n'y trouver que la glorification de la forcé brutale, dans la vraie manière allemande. Ce n'est que tout dernièrement, sur le front, que je me décidai à y jeter les yeux, d'après le conseil d'un de mes amis qui m'avait éprit: «Mais, au contraire, lisez-le donc, il vous amusera tant! »

Et je l'ai lu! Oh! cher petit Allemand de mon. cœur, quelle joie il m'a causée. (Cher petit Allemand de mon cœur est d'une extrême vulgarité; je le reconnais et m'en excuse; mais cette formule d'admiration m'est venue d'elle-même, irrésistible, sans doute parce qu'elle est adéquate au sujet.)

Je l'ai lu, et voici quelques-unes des perles que j'y ai recueillies: « Je ne crois qu'à la civilisation française, et pas à tout le reste de ce que l'on appelle en Europe culture, pour ne rien dire dea la civilisation allemande. Les rares cas de haute culture que j'ai trouvés en Allemagne étaient tous d'origine française. »

Pierre Loti, "Mon hommage à "leurs" intellectuels", in Figaro, 18 mai 1918

Voyez ce qui vient d'arriver à M. Pierre Loti. Il demande soudain à tout le monde, par la voie du Figaro « Avez-vous lu Nietzsche? » Lui, comme on pense, ne l'avait encore point lu la semaine dernière. Puisqu'on vous dit qu'il ne lit rien! Il s'est enfin décidé, sur le conseil d'un ami qui lui avait assuré que cela l'amuserait. Non seulement il s'est bien amusé, mais il est tombé des nues. Les écailles lui sont tombées des yeux. Toutes ses opinions sur cet auteur ont été changées. Sans en avoir jamais parcouru une page, il croyait « n'y trouver que la glorification de la force brutale, dans la vraie manière allemande ». Il prenait Nietzsche pour le type achevé du cuistre pangermaniste. Quelle stupeur de s'apercevoir que ce prétendu gallophobe faisait sans cesse l'éloge le plus dithyrambique de la civilisation française, et que ce herr doctor avait le plus profond mépris pour l'impérialisme allemand et la fausse culture allemande, où il voit l'absolue négation et la pire ennemie de la culture véritable! Abasourdi, et tout joyeux, persuadé que tous ses lecteurs seront aussi stupéfaits que lui, M. Pierre Loti cite de nombreux passages de Nietzsche (...). Il serait moins ahuri de sa trouvaille, s'il avait subodoré les livres pleins d'estime et d'admiration consacrés à Nietzsche par MM. Henri Lichtenberger, Pierre Lasserre, Jules de Gaultier, Daniel Halévy, Emile Faguet, ou simlplement jeté un regard sur les lettres si amicales que lui adressait Taine.

P.S., "Une découverte de Pierre Loti", in Le Temps,  20 mai 1918



MESDEMOISELLES,

 

Au début de cette cérémonie qui couronne vos travaux scolaires, tandis que mûrissent les moissons et les fruits, couronnement annuel des efforts des hommes, je voudrais, mettant à profit la bonne fortune qui m'échoit aujourd'hui de vous adresser la parole, essayer de vous montrer, en ce qui concerne révolution du rôle de la femme dans la société, que si le féminisme, puisqu'on peut maintenant l'appeler par son nom, a progressé lentement, subissant ainsi l'inévitable loi dont parle Nietzsche, la guerre l'a chaussé de bottes de sept lieues, lui imprimant une accélération si rapide qu'il s'est porté d'un bond prodigieux au but si longtemps convoité.

"Discours prononcé par M. Audry", in L'enseignement secondaire des jeunes filles, janvier-juin 1918



Aucun snobisme n'a pu acclimater en France la dureté nietzschéenne (...). Nous sommes peut-être « humains, trop humains »; cela peut nous amuser quelque temps de jouer les surhommes; mais nous sommes absolument incapables inhumanité.

Abel Hermant, "La pitié française", in Figaro, 11 juin 1918


Nietzsche a écrit une sorte de lamento sur l'incendie du Louvre en 1871, et il n'a point retranché de son oeuvre cette page, d'ailleurs fort belle, quoiqu'il ait apprendre depuis que le Louvre n'a pas brûlé.

Abel Hermant, "Rectifions", in Annales politiques et littéraires, 28 juillet 1918

Ce n'est pas à dire qu'un nationalisme étroit resserre et emprisonne sa pensée [Salter]. Sa préoccupation dominante est, au contraire, d'amener le lecteur a conclure, au terme de l'ouvrage, qu'innocent de la guerre  actuelle, Nietzsche en dépit des allégations malveillantes d'adversaires partiaux, et surtout mal informés, -demeure l'irréductible ennemi du pangermanisme militaire. (...)

Mais avant la plaidoirie, le réquisitoire il faut reconnaître qu'il est aussi violent et passionné que peu précis. On accuse Nietzsche d'avoir par sa mégalomanie, son culte de la surhumanité, son aristocratisme méprisant, son adoration de la. Volonté toute-puissante, son mépris des traités et de la morale traditionnelle puissamment contribué à l'éclosion de cette psychose qui ensemble aveugle et exalte l'Allemagne. (...) Nous ne pouvons, sans excéder le cadre de ce compte rendu, développer ici l'accusation. Aussi bien notre presse française nous a-t-elle familiarisés avec elle. Détail piquant d'ailleurs, véritable ironie de l'histoire c'est de préférence sous la plume des «anti-nietzschéens » les plus intransigeants que le lecteur informé s'étonnera de retrouver plus tard les formules et jusqu'aux arguments de Nietzsche.

(...) Infidèle à la pensée du grand homme, Mme Förster-Nietzsche elle-même ne craindra pas de le représenter comme un nationaliste ardent et de lui valoir ainsi des applaudissements qui lui font injure. Or, de tous ceux qui érigent le Nietzschéisme en machine de guerre, de tous le moins «Nietzschéen », c'est Nietzsche.

Telles sont les conclusions, plus ou moins explicites, auxquelles M. Salter me paraît aboutir dans son beau livre qui vaut par la richesse de la documentation, la finesse de l'analyse et surtout par le souci de la vérité.

Paul Fauconnet, "William Mackintire Salter. - Nietzsche the thinker", in Revue philosophique de la France et de l'étranger, juillet-décembre 1918



Ne redoutez pas d'être vaincues par la bienfaisante émotion que vous sentez jaillir en vous comme une fraîche source. Ne vous raidissez pas. C'est Nietzsche qui disait « Soyez durs pour être forts. Pratiquez « la morale des maîtres » pour être un surhomme. » Nous assistons depuis trois ans à la faillite des surhommes. Il n'y a qu'une morale, et ce n'est pas « une morale d'esclave ». L'Évangile nous prêche la pitié, l'humilité, l'abnégation, et c'est dans ces vertus, plus que dans l'orgueil, que nous trouvons la paix et la joie. Oui, le secret du bonheur, d'un bonheur fécond, d'un bonheur qui dure, c'est d'accepter un joug et plus nous sommes chrétiennes, plus le joug est doux et le fardeau léger.

Jean Vézère, "Les oiseaux sur la branche (Carnet de guerre d'une institutrice)", in La Croix, 18 juillet 1918


Les Alliés sont assez nombreux, et si l'Espagne se joignait à eux, ce ne serait pas un excellent moyen pour remonter à Berlin, et ailleurs, le niveau moral, qui baisse lamentablement. Les temps sont changés et le précepte de Nietzche, si fréquemment répété et mis en pratique depuis 1914, n'est plus de mise: le Soyons durs doit être relégué au magasin des accessoires.

Ernest Lémonon, "La politique extérieure", in Revue politique et parlementaire, juillet 1918


Le peuple allemand a é empoisonné par des doctrines dont beaucoup de personnes ne comprennent pas encore toute la portée ; les Allemands, sous L'influence de leurs philosophes, se sont pénétrés de cette conviction qu'il doit y avoir dans l'humanité une race « supérieure » qui a le droit de s'imposer aux autres. Nietzsche avait inventé le surhomme; nous sommes aujourd'hui en présence de la surnation, du surpeuple.

Georges Blondel, "Mélanges et notices", in La Réforme sociale, juillet 1918

Nietzsche lui-même, qui jugea si durement ses compatriotes parce qu'il les connaissait bien; Nietzsche, qui fit profession d'aimer la France et de déplorer les événements de 1870, n'en écrivait pas moins six ans plus tard, en promenant son amère solitude sur les rives siciliennes, une page qu'il intitule La Guerre indispensable, et que je transcris en entier:

C'est une vaine idée d'utopistes et de belles âmes que d'attendre beaucoup (ou: beaucoup seulement alors) de l'humanité, quand elle aura désappris de faire la guerre. En attendant, nous ne connaissons pas d'autre moyen qui puisse rendre aux peuples fatigués cette rude énergie du champ de bataille, cette profonde haine impersonnelle, ce sang-froid dans le meurtre uni à une bonne conscience, cette ardeur commune organisatrice dans l'anéantissement de l'ennemi, cette fière indffférence aux grandes pertes, à sa propre vie et à celle des gens qu'on aime, cet ébranlement sourd des âmes comparable aux tremblements de terre, avec autant de force et de sûreté que ne fait n'importe quelle grande guerre.(...)

Milly, "Une page de Nietzsche", in Le Gaulois, 15 septembre 1918



Les artistes ne sont pas à l'Église. (...) L'abondance et la qualité de leurs oeuvres, leur vie brillante, les études dont ils sont l'objet à l'heure actuelle, tout concourt à former autour d'eux une légende d'apothéose. (...) « Ce sont des surhommes » dit-on. Les seuls sur-hommes que connaisse l'Église de Jésus-Christ sont les Saints. Et ils ne le sont que par la grâce et la vertu.

A. Loisel, "Quelques réflexions pour l'artiste chrétien", in La Vie et les arts liturgiques, septembre 1918


D'après les Dernières Nouvelles de Dusseldorff, ïe maréchal Hindenburg, répondant à l'adresse d'une réunion patriotique, a télégraphié:

La réponse des camps ennemis à la note autrichienne révèle l'état d'âme de l'ennemi. En présence de ce fait, il ne peut y avoir qu'un seul mot d'ordre pour le peuple allemand "Soyez durs".

En attendant le moment où il faudra filer doux.

Le Figaro du 23 septembre 1918

Le livre de M. Daniel Halévy est, en effet, d'une si admirable clarté qu'il aurait pu non seulement expliquer Nietzsche à Nietzsche lui-même, mais à tous les gens du monde -et d'ailleurs - qui ont la rage de parler de Nietzsche et qui feraient mieux de se taire. M. Daniel Halévy nous a-t-il débarrassés du Nietzsche des salons? Je n'ose l'espérer. Mais le Nietzsche des salons est, pour le moment, inoffensif. Il est inactuel.

Abel Hermant, "M. Daniel Halévy, Nietzsche, Péguy et le Président Wilson", Figaro, 29 octobre 1918



Les multiples misères du combattant au front n'intéressent vraisemblablement que ceux qui les ont supportées, et c'est pourquoi sans doute si peu de gens prêtent attention au sort des anciens combattants rentrés dans la vie civile. (...)

Ce sera la même chose lorsque les combattants actuels rentreront : « Ah ! vous avez fait campagne quatre ans. Vous avez en « emmagasiner des souvenirs. C'était le bon temps, hein ! Quelle  « tranquillité d'esprit en dehors du combat! Vous n'aviez pas grand-chose à faire. Vous avez perdre l'habitude du travail. », etc. Voilà ce que vont entendre ceux qui rentreront. On ne les comprendra pas ! on ne les aidera pas ! (...)

Oh ! je sais bien, on les traitera de héros, de surhommes, on les couvrira de fleurs ; un peu moins de récompenses honorifiques! et puis on les renverra chez eux se mesurer sur le champ de bataille industriel ou commercial, avec ceux qui y auront durant la guerre creusé leurs lignes Hindenburg et leurs réduits cuirassés.

Didion, Vice-Président, "Notre avenir", in Bulletin de l'Association des mutilés et anciens combattants de la grande guerre, novembre 1918