L'histoire des œuvres complètes de Nietzsche a une histoire
Der Wille zur Macht dans les différentes propositions éditoriales allemandes des œuvres complètes de Nietzsche de 1892 à nous jours (Laure Verbaere, 2018)
Je voudrais présenter ici une vision synthétique, schématique et a-critique de la place de Der Wille zur Macht dans les différentes propositions éditoriales des œuvres complètes de Nietzsche en allemand (Gesammtausgaben und grössere Auswahlausgaben) de la fin du XIXème siècle à nos jours.
Synthétique pour bien faire apparaître une évolution sur plus d'un siècle, avant et pendant qu'Elisabeth Förster-Nietzsche (EFN) exerce un monopole sur les œuvres de son frère ainsi qu'après le passage dans le domaine public en 1930 (1) Quand Der Wille zur Macht apparaît-il et sous quelle(s) forme(s)? Quand disparaît-il des propositions éditoriales que les spécialistes livrent à un public cultivé, voire populaire? Quand est-il officiellement passé du statut de "Hauptwerk" à celui de "Machwerk"? Quand est-il devenu un "livre qui n'existe pas"?
Cet objectif restreint explique qu'elle soit schématique: ne seront pas ici mentionnées les rééditions des œuvres complètes, ni les éditions et rééditions séparées de Der Wille zur Macht, éditions papier ou électroniques. (2) Un aperçu complet ne manquerait pas d'intérêt (surtout en langue française) mais ce serait un autre travail, avec d'autres ambitions. (3) Que l'on ne perde pas de vue cependant que le livre Der Wille zur Macht existe toujours: dans les bibliothèques, sur le marché de l'occasion et en livre neuf (4).
Bien que l'exercice ne soit pas facile (5), il s'agit de réaliser un outil a-critique c'est-à-dire en faisant l'effort, très inactuel, de ne pas parler de "faux", de "falsification", de "réparation", d'un point de vue idéologique comme d'un point de vue philologique. On trouvera donc des "propositions" et des "alternatives". Je ne cache pas une certaine gêne de juxtaposer chronologiquement des propositions éditoriales qui revendiquent toutes une fidélité à Nietzsche mais parfois aux dépens d'une fidélité aux manuscrits. (6) Mais il ne s'agit pas d'instruire un procès, quel qu'il soit. Certes, il est facile d'éprouver autant d'aversion pour EFN que pour l'idéologie nazie. Certes, comme le disait Richard Roos en 1956, "le procédé nous paraît aujourd'hui blâmable" mais il ajoutait: "il faut reconnaître qu'il répondait aux exigences de l'époque. L'intérêt suscité par Nietzsche vers 1900 ne justifiait pas une édition critique intégrale et un titre tel que La Volonté de puissance était commercialement plus rentable que celui, plus exact, de Fragments posthumes." (7) Du reste, Montinari lui-même disait de son édition: "est-elle finalement autre chose que la proposition de lire Nietzsche de manière nouvelle et différente ?" (8)
L'effort d'impartialité n'exclut pas évidemment pas quelques arrières-pensées.
Réalisé à partir de travaux déjà existants et uniquement focalisé sur la place de Der Wille zur Macht dans les éditions des œuvres complètes de Nietzsche, cet outil ne pourrait bien constituer qu'un rappel de faits établis bien connus - "en moins bien". Peut-être. La littérature critique sur Der Wille zur Macht et sur le Nietzsche-Archiv est d'une telle abondance et d'une telle précision que cette démarche a effectivement quelque chose d'aussi dérisoire qu'inutile. Toutefois, il faut rappeler que les "faits" (i. e. les Änderungen, Fälschungen, Weglassungen, Korrekturen, Streichungen, Verbesserungen, Verschlimmbesserungen, Berichtigungen...) sont "connus" depuis fort longtemps: dès la fin du XIXe et tout au long du XXème siècle, des hommes et des femmes savaient, des opuscules et des articles ont été publiés dans des revues spécialisées mais aussi dans la presse. (9)
Ce n'est pas manquer de respect à la littérature critique contemporaine que d'exprimer le doute que les lecteurs avertis soient aujourd'hui beaucoup plus nombreux qu'avant; ni de rappeler que les spécialistes, aujourd'hui comme par le passé, sont tout à la fois les acteurs et les auteurs de l'histoire de l'édition des œuvres de Nietzsche: ils font ou défont, parfois font puis défont son autorité et sa réputation, ce qui peut laisser les lecteurs dans la confusion, nuire à la satisfaction de leurs attentes. (10)
Il ne faudrait pas non plus oublier que ce constat "X ne fait que rappeler des faits connus de tous" est un argument souvent purement rhétorique. Il est abondamment utilisé dans le passé par tous ceux qui ne souhaitaient surtout pas que ces fameux "faits bien connus de tous" s'ébruitent au-delà des cercles universitaires. (11)
Cet aperçu schématique permet de réaffirmer que l'histoire de la réception de Nietzsche en France a une grande partie de ses racines hors du territoire français. Il ne s'agit pas d'idéaliser la circulation des idées mais de rappeler l'évidence: on ne peut s'approprier que ce qui s'offre comme une matière à importation, que ce qui est offert à l'exportation. On ne peut traduire que ce qui est auparavant accessible à la traduction. (12) Comme le dit Marc de Launay, "il est désormais impossible de ne réfléchir qu'en termes de réceptions nationales" (13)
L'absence de réflexion à ce sujet est flagrante (14) dans l'ensemble des travaux de réception où l'attention se porte sur les lectures françaises sans se préoccuper de leurs conditions d'émergence hors des frontières. (15) Il ne fait pourtant aucun doute que l'histoire éditoriale est intimement liée à l'histoire de réception et à la Wirkungsgeschichte en France comme en Allemagne. (16) Prisonnière de catégories nationales, l'histoire oppose trop souvent de manière simpliste une sœur coupable et des Français victimes, une Allemagne qui a "nazifié" Nietzsche à une France qui a "réparé".
"L'édition critique des œuvres complètes de Nietzsche a une préhistoire" a souvent répété Mazzino Monitnari. (17) Je propose d'actualiser cette formule en disant: l'édition des œuvres complètes de Nietzsche a une histoire - et toutes les propositions éditoriales - de celle de Peter Gast en 1892 aux trois nouvelles qui doivent paraître pour le 175ème anniversaire de Nietzsche en 2019 - s'inscrivent dans cette histoire. Il y en a eu d'autres avant; il y en aura d'autres après.
Ce disant, loin de moi l'idée de remettre brutalement en question l'autorité scientifique de l'édition des deux philologues italiens, encore moins de mettre sur le même plan toutes les propositions éditoriales. Ce serait faire injure à la mémoire de ceux qui ont œuvré pour la vérité, mais c'est toujours une "vérité pour notre temps" comme le précisait bien Richard Roos. (18)
Il s'agit de rappeler que depuis sa parution en 1901, Der Wille zur Macht pose problème et que la deuxième moitié du XXe siècle n'a cessé de revenir sur cette "sempiternelle question" (19); de constater que la rengaine - Der Wille zur Macht est un faux imaginé par EFN et Peter Gast qui a entrainé les détournements de la pensée de Nietzsche - entendue depuis plus de quarante ans, résonne plus loin et plus fort de nos jours; de s'inscrire en faux contre cette consécration d'une légende que dénonçait Montinari lui-même:
"Notons qu'on a fini également par « faire porter la faute » à Elisabeth Förster-Nietzsche pour ce qui concerne tous les abus liés au nom de Nietzsche, en tant que « philosophe du national-socialisme »; mais que c'est une simplification inadmissible et une nouvelle légende. Les Bäumler (mais aussi les Lukács) et tous ceux qui ont maltraité « idéologiquement » Nietzsche, ont fait ceci pour leur propre compte, et n'avaient certainement pas besoin « d'être menés par le bout du nez » par une sœur plus qu'octogénaire. Comprendre la pensée de Nietzsche et l'interpréter sans déformations idéologiques, était possible, même sous l'« empire » de la Förster-Nietzsche à Weimar." (20)
Il s'agit de laisser à Elisabeth Förster-Nietzsche l'étroitesse d'esprit de voir le monde en noir et blanc, de refuser de poser comme elle la question "Also Freund oder Feind?" (21), de dédiaboliser le problème à défaut de dépassionner les débats pour essayer d'en comprendre les enjeux: historiciser.
Un outil simple et clair n'est peut-être pas une mauvaise idée pour amorcer ce travail d'historisation au profit de lecteurs - cultivés ou non - qui ne sont pas spécialistes mais qui se sentent concernés (voir les discussions sur les forums, les commentaires des acheteurs sur les sites marchands). Il me semble aussi vain que dangereux d'ignorer leurs attentes en masquant les enjeux e/out en leur proposant un récit aseptisé. Le public a le droit "d'exiger du spécialiste une réponse sans détour. Une réponse qui ose la simplification", écrit Montinari mais il ajoute aussitôt "pour inviter à l'approfondissement". (22) Pas pour caricaturer.
En 1892, encouragée par C. G. Naumann (l'éditeur de Nietzsche), Peter Gast entreprend une édition des œuvres complètes de Nietzsche. Elle commence à paraître en 1893. Elle est interrompue à la demande d'EFN qui désapprouve le projet quand elle revient du Paraguay pour s'installer en Allemagne, à l'automne 1893. Les cinq volumes jusqu'alors parus sont retirés de la vente et mis au pilon. Dans une lettre à Franz Overbeck du 19 novembre, Peter Gast enrage contre une sœur qui n'a "aucune idée de qui est son frère et de ce qu'il veut". (23) En janvier 1894, il prend ses distances. Avant son départ, il confie argument à l'appui à EFN que, selon lui, Die Umwerthung se réduit à Der Antichrist (24)
Pendant plus de 30 ans, la soeur de Nietzsche a supervisé plusieurs "Gesamtausgabe" (Grossoktavausgabe, Kleinoktavausgabe, Taschen-Ausgabe, Musarion-Ausgabe, Klassiker-Ausgabe, Dünndruck-Ausgabe) (26) avec des responsables différents (dont Fritz Kögel renvoyé en 1897, Peter Gast revenu collaborer de 1900 à 1909) et avec quelques variantes mais toujours sur le même modèle, notamment en présentant Der Wille zur Macht comme une œuvre inachevée ou incomplète (27) mais recomposable et d'une valeur déterminante pour reconstituer le système que Nietzsche avait projeté d'exposer.
Après le passage des œuvres dans le domaine public en 1930 (32), Alfred Bäumler, Walter Linden, August Messer proposent au public des versions similaires à celles qui précèdent.
Une nouvelle édition des œuvres complètes et de la correspondance de Nietzsche (historisch-kritische Gesamausgabe) est entreprise par le Nietzsche-Archiv, placée sous la présidence de Carl August Emge, avec notamment la collaboration Hans Joachim Mette, Carl Koch, Wilhelm Hoppe et Karl Schlechta. Le travail sur les manuscrits fait vite apparaître des "Änderungen" qui correspondent à des "Fälschungen" en ce qui concerne Der Wille zur Macht et la correspondance. Le 5 décembre 1934, Walter Otto, membre du comité scientifique de la nouvelle édition, pouvait déclarer : "Un travail extraordinairement important, mais d'autant plus difficile, attend les éditeurs des posthumes des dernières années. Dans la mesure où ce qui leur est demandé n'est pas moins que de présenter les derniers écrits appartenant au cadre des pensées de La Volonté de puissance, pour la première fois sans une rédaction arbitraire, précisément tels qu'ils se trouvent dans les cahiers manuscrits, particulièrement difficiles à lire et qu'il faut à nouveau déchiffrer." (33)
En 1938, les autorités national-socialistes critiquent ce projet éditorial qu'ils traitent de "Verwissenschaftlichung". A cause de la guerre, il cesse en 1942.
Œuvres de Nietzsche en deux volumes (Salzburg, Verlag Das Bergland-Buch) qui distingue les Ecrits posthumes et les Fragments posthumes. (34)
Bien qu'il ne reconnaisse pas l'intérêt des fragments posthumes, Karl Schlechta tient compte de la notoriété de ce "livre": le troisième volume (1956) contient des écrits de jeunesse, un choix de lettres et "Aus dem Nachlaß der Achtzigerjahre" qui correspond au texte Der Wille zur Macht, tel qu'il a été publié par Otto Weiss en 1911. Il existe néanmoins de notables différences: le titre est supprimé car Karl Schlechta nie l'existence d'un livre de Nietzsche intitulé Der Wille zur Macht: c'est une "légende" créée de toutes pièces par la sœur de Nietzsche et Peter Gast (35)
Publication commentée (Bernd Holger Bonsels, Leo Winter et Werner Heilmann) des œuvres complètes de Nietzsche en 11 volumes de 1957 à 1964. Il s'agit d'une édition des œuvres publiées et achevées, sans Der Wille zur Macht et sans fragments posthumes (à quelques exceptions près). (36)
Kritische Gesammtausgabe en 40 volumes (1967-2009) et Kritische Studienausgabe en 15 volumes (1980) sous la direction de Giorgio Colli et Mazzino Montinari (37) qui paraît aux éditions Gallimard (français), Walter de Gruyter (allemand) et Adelphi (italien). Les deux philologues italiens proposent une nouvelle édition à partir des manuscrits. Ils pointent les erreurs et/ou les torts des éditeurs précédents. Comme Karl Schlechta, ils estiment que Der Wille zur Macht n'existe pas: c'est un ouvrage que Nietzsche avait projeté d'écrire (nombreux plans et nombreux brouillons) mais tel qu'il existe jusqu'alors, c'est un faux. Par contre, ils accordent une grande importance aux fragments posthumes qui sont intégralement publiés, dans l'ordre chronologique. (38)
Dans la Kritische Gesammtausgabe (1999), ils sont publiés dans l'Abteilung 9 (2001-2017) qui est en 11 volumes "der gesamte Nachlass von 1885 an, aus der Zeit nach dem "Zarathustra", also genau das Material, aus dem der "Wille zur Macht" zurechtgefälscht wurde"; il est désormais "neu herausgebracht". (39) Les textes écrits par Nietzsche de 1885 à 1889 sont reproduits dans leur totalité (cahiers, carnets, feuilles) et "in a manner which preserves its typical note-like character", annonce l'éditeur. Cette publication "will provide Nietzsche scholars with a reliable and clear basis for interpretation, and the connections in the author's thought, writing and works will become visible. Each volume also contains a CD-ROM, which provides the representations of the unpublished manuscript facsimiles. (40) Der Wille zur Macht est "remplacé" par une transcription diplomatique fidèle des manuscrits avec toutes les "Korrekturen", "Streichungen", "Verbesserungen" et "Verschlimmbesserungen" de Nietzsche lui-même. (41)
A partir de 2009, Nietzsche Source, sous la direction de Paolo d'Iorio, publie une Digitale Faksimile-Gesamtausgabe (DFGA) qui est une version numérique de la Kritische Gesammtausgabe de 1967, ainsi qu'une Digitale Kritische Gesamtausgabe Werke und Briefe (eKGWB) qui pour la première fois propose une reproduction numérique en fac-similé du corpus nietzschéen incluant les premières éditions de ses œuvres, ses manuscrits, sa correspondance ainsi que les documents biographiques le concernant. (42)
Schématiquement, la proposition éditoriale comprend:
Ces nouvelles propositions éditoriales n'insèrent pas Der Wille zur Macht. Elles ne comprennent pas non plus ni les écrits ni les fragments posthumes. (43)
En 1993/1994 paraît Nietzsche, Das Hauptwerk, d'après le texte de l'édition Kröner, réalisé par Jost Perfahl (44)
En 1994, sont publiées les Gesammelte Werke en 10 volumes, à partir d'éditions de base qui ne sont pas toutes les mêmes. (45)
En 2013 paraissent les premiers volumes des Werke dans la Basler Ausgabe en 20 volumes réalisée par Ludger Lütkehaus et David Marc Hoffmann. (46) Dans cette "Ausgabe letzter Hand" sont publiés les fac-similés des œuvres de Nietzsche telles qu'elles ont paru pour la première fois, de Die Geburt der Tragödie jusqu'aux Dinonysos-Dithyramben (1888-89), c'est-à-dire "das zu Lebzeiten veröffentlichte oder jedenfalls noch von Nietzsche selbst autorisierte Gesamtwerk, eine „editio definitiva“ statt einer „editio infinita“". (47)
En 2013 paraissent les Philosophische Werke en 6 volumes réalisée par Claus-Artur Schleier. (49)
Cette édition des œuvres philosophiques "folgt dem 1885 von Nietzsche selbst aufgestellten und eingegrenzten Konzept einer 'Neuen Ausgabe' seiner im eigentlichen Sinne "philosophischen" Schriften und bietet den Text nach den Originalausgaben von 1886/1887 ergänzt um die 1889 erschienene 'Götzen-Dämmerung.
"Nietzsches Nietzsche - Werke letzter Hand" est un projet éditorial en 19 volumes du Kollegs Friedrich Nietzsche (51) qui suit les mêmes principes que la Basler Ausgabe de David Marc Hofmann: "Die Edition wird (...) nur die Druckfassung wiedergeben, die Nietzsche zuletzt in Auftrag gegeben hat. Das heißt, wenn eine zweite, von Nietzsche selbst bearbeitete oder erweiterte Auflage vorliegt, wird genau diese publiziert (andernfalls jeweils die Erstausgabe)." (52) Le projet est en deux parties: Fac-similés des manuscrits pour l'impression et œuvres de Nietzsche selon la dernière version imprimée autorisée par Nietzsche (de Die Geburt der Tragödie aux dernières œuvres de 1888/1889). (53)
Ici s'arrête provisoirement la succession des propositions éditoriales des œuvres complètes de Nietzsche.
Cet aperçu schématique et synthétique des propositions éditoriales des œuvres complètes de Nietzsche de la fin du XIXème siècle à nos jours permet de visualiser la place occupée par Der Wille zur Macht, les différentes formes sous lesquelles cette "œuvre" apparaît - puis disparaît.
Publiée pour la première fois en 1901, elle figure, sous différentes formes, dans toutes les propositions éditoriales jusqu'au début des années 30. La mort d'EFN en 1935 est une date importante.
Après l'édition de Karl Schlechta qui marque un premier virage à la fin des années 1950, l'édition critique de G. Colli et M. Montinari est un véritable tournant : elle semble bien avoir réalisé un "nettoyage philologique" (54) qui a entraîné la disparition définitive de Der Wille zur Macht, dont l'"invalidité" (55) est désormais unanimement reconnue (56). Le passage d'une "Monumentalisierung und Ästhetisierung" à une Philologisierung und Verwissenschaftlichung (57) est acquis. Il est aussi acquis que le "Weimarer Nietzsche-Archiv" est "eine Fälscherwerkstatt" et que Der Wille zur Macht n'est pas une "Hauptwerk" mais une "Machwerk" (58).
Autour d'un "état des textes" (59) s'est cristallisé dans les années 1960 un savoir que les récentes alternatives éditoriales ne contestent pas. Pourtant, les choses ne sont pas si simples, ce qu'aucun spécialiste ne peut ignorer et ce que même les "profanes" peuvent subodorer à défaut de connaître tous les tenants et les aboutissants.
Les fragments posthumes ont posé et posent un réel "problème éditorial" (60) toujours d'actualité comme en témoignent les dernières alternatives en (re)posant la question de ce que doit être une édition des "œuvres complètes".
D'un côté, l'édition Colli/Montinari publie l'intégralité des œuvres, des écrits et fragments posthumes et, grâce au numérique, les manuscrits de Nietzsche en fac-similé (61)
D'un autre côté, une sorte de deuxième "retour" à Nietzsche, un "Nietzsches Nietzsche": un accès à Nietzsche débarrassé de la "Tradition der Editoren" (62). Comme l'annonce pour sa part l'éditeur de la Basler-Ausgabe: "Es ist der Zeitpunkt gekommen, Nietzsches vollendetem Werk wieder das gebührende Gewicht zu geben, statt es zur Fußnote eines überwertigen Nachlasses werden zu lassen." (63)
Pour aller plus loin, c'est un tout autre travail qu'il faudrait envisager, comme le suggère l'abondante littérature autour de la publication et de la disparition de Der Wille zur Macht tout au long du XXème siècle. A cette échelle, mes seules difficultés à qualifier de manière uniforme les œuvres de Nietzsche (publiées, achevées, hors commerce...) laissent entrevoir que ce sera difficile (64).
En attendant, ce qu'il faut se contenter de formuler ici, c'est l'hypothèse que les commentateurs n'ont peut-être pas le dernier mot: ce sont finalement les lecteurs, tous les lecteurs, initiés et profanes, qui tranchent.
Et ce qu'il est permis de regretter, c'est qu'il existe entre ces spécialistes et ces profanes un fossé, une difficile transmission - ou circulation - des savoirs (65). Pour "sauver Nietzsche" si c'est de cela qu'il s'agit (66), il ne faudrait pas sous-estimer des lecteurs qui ne sont certes ni savants, ni philologues, ni philosophes - mais qui ne sont ni incultes ni idiots par ailleurs. Désigner un bouc-émissaire comme Der Wille zur Macht et une coupable comme EFN pour expliquer toutes les "trahisons" passées de Nietzsche présente l'avantage d'apporter à ces lecteurs une explication simple, mais trop simple pour répondre aux légitimes questions qu'ils se posent (67). Leur faire croire qu'une nouvelle manière d'éditer Nietzsche va enfin permettre de découvrir un "vrai" Nietzsche contribue davantage à creuser un fossé qu'à le combler. Après tout, c'est Mazzino Montinari lui-même qui le dit:
"(...), l’édition en elle-même ne peut empêcher que soient soutenues des interprétations déformées de la pensée de Nietzsche, de la même manière que les précédentes éditions imparfaites ou quelquefois falsificatrices n’ont pas empêché des interprétations de haut niveau qui font partie désormais, et à juste titre, de la tradition des études sur Nietzsche" (68)
(1) On notera qu'à se demande devant la justice, la sœur de Nietzsche obtient (avec Nietzsche) les droits d'auteur sur Der Wille zur Macht; cf. David Marc Hofmann, Zur Geschichte des Nietzsche-Archivs. Chronik, Studien und Dokumente, Berlin-New york, W. de Gruyter, 1991, p. 108.
(2) On peut toujours se référer à la Weimarer Nietzsche Bibliographie sur laquelle je me suis moi-même appuyée.
(3) On pourrait par exemple peut-être s'interroger sur la signification et les moyens d'une vulgarisation de Nietzsche.
(4) Dans les bibliothèques et les librairies, il existe toujours des exemplaires des anciennes éditions. Il existe aussi de récentes rééditions. Les éditions Kröner ont publié une 13ème éditions en 1996. En France, Les éditions du Trident (1989) et Le Livre de poche (1991) ont publié une réédition de la traduction d'Henri Albert (Mercure de France, 1903), version par ailleurs accessible sur Wikisource. En 1995 et plus récemment encore en 2012, Gallimard a publié une réédition de la traduction de Geneviève Bianquis (Gallimard, 1935 et 1937).
(5) S'il n'est pas très difficile d'éviter certains vocables (faux, trahison, montage...), il est très délicat, sur la durée, de qualifier les œuvres de manière homogène. Arbitrairement, j'ai choisi la dénomination Colli/Montinari en distinguant: les œuvres publiées par Nietzsche, les éditions hors commerce (notamment Also sprach Zarathustra IV et Nietzsche contra Wagner) et les manuscrits autorisés (Der Antichrist, Ecce Homo, Dionysos-Dithyramben).
(6) Il est plus qu'improbable que les spécialistes reviennent en arrière sur ce point. Mais dans la longue histoire de l'édition des œuvres de Nietzsche, Elisabeth Förster-Nietzsche (EFN) n'est pas la seule à qui ce reproche est adressé. Il suffit pour s'en convaincre de lire les comptes rendus à chaque nouvelle proposition éditoriale.
(7) Cf. Richard Roos, "Les derniers écrits de Nietzsche et leur publication", in Revue philosophique de la France et de l'étranger, t. 146, 1956, p. 266. Aussi in Lectures de Nietzsche, choix de textes établi par Jean-François Balaudé et Patrick Wotling, Paris, 2000, p. 33-70. Ce passage est cité par Paolo d'Iorio dans sa postface de Mazzino Montinari, "La volonté de puissance" n'existe pas, Paris, Editions de l'Eclat, 1996 (lire).
(8) Cf. Mazzino Montinari, op. cit., "L'art vénérable de lire Nietzsche".
(9) Cf. David Marc Hofmann, op. cit.
(10) De là bien des désaccords voire des polémiques que les difficultés philologiques seules n'expliquent pas.
(11) Dans les innombrables comptes-rendus qu'il écrit pour la Revue universitaire, le germaniste Henri Lichtenberger, par exemple, use beaucoup du procédé.
(12) Comme l'écrit Ralf Eichberg, "Die Rezeptionsgeschichte und die Editionsgeschichte Friedrich Nietzsche hängen auf das Engste miteinander zusammen": cf. Nietzsche, wie er gelesen werden wollte? et aussi Freunde, Jünger und Herausgeber : zur Geschichte der ersten Nietzsche-Editionen, Frankfurt a. M et Berlin, Peter Lang, 2009.
(13) Cf. "Éditer et traduire Nietzsche aujourd’hui Entretien avec Marc de Launay Frank Burbage", in Cahiers philosophiques, n°90, spécial Nietzsche, mars 2022, p. 131 sq.
(14) Pourquoi aucune histoire du Nietzsche-Archiv en France? Il manque pour la France un "équivalent" au travail exceptionnel de David Marc Hoffmann. Celui-ci évoque les noms de quelques français (Charles Andler, Henri Lichtenberger, Gabriel Monod...) mais c'est une étude spécifique que ce problème mériterait.
(15) Machinalement, la littérature française nietzschéenne forme le corpus: n'y-t-il pas confusion entre l'échelle et l'objet?
(16) Cf Ralf Eichberg, Nietzsche, wie er gelesen werden wollte?.
(17) Ce texte de Montinari a paru pour la première fois en anglais sous le titre : "The new critical edition of Nietzsche's complete Works" en 1972. Il a paru trois fois en allemand en 1980 et 1982 puis en italien en 1981. Cf. Mazzino Montinari, La Volonté de puissance..., op. cit.
(18) Cf. Richard Roos, "Règles pour une lecture philologique de Nietzsche", in Nietzsche aujourd'hui? Vol. 2: Passion, Paris, UGE,
1973, p. 283-318. Voir aussi la discussion qui suivit, p. 319-324.
(19) Cf. Mazzino Montinari, L'art vénérable de lire Nietzsche
(20) Cf. Mazzino Montinari, Interprétations nazies
(21) Lettre d'EFN à Carl Albrecht Bernoulli du 26 juillet 1905.
(22) Cf. Mazzino Montinari, Friedrich Nietzsche, traduit par Paolo d'Iorio et Nathalie Ferrand, Paris, PUF, 2001.
(23) "Kurz sie hat gar keine ausreichende Vorstellung davon, wer ihr Bruder ist und was er will"; in David Marc Hoffmann, Zur Geschichte des Nietzsche-Archivs..., op. cit., p. 16.
(24) Lettre à EFN du 8 novembre 1893; cf. David Marc Hoffmann, Zur Geschichte..., op. cit., p. 15. Ce passage est cité et traduit en français dans Paolo d'Iorio, Les volontés de puissance.
(25) Unzeitgemaesse Betrachtungen, Menschliches Allzumenschliches 1 et 2, Jenseits von Gut und Böse, Zur Genealogie der Moral.
(26) Pour une vision détaillée, consulter la Weimarer Nietzsche Bibliographie ou Ralf Eichberg, op. cit.
(27) EFN a l'idée d'accuser Franz Overbeck d'avoir perdu le manuscrit. Jusqu'à preuve du contraire, c'est une invention. Cf. Curt Paul Janz, Nietzsche: Biographie, Paris, Gallimard, t. 1 et 2 en 1984, t. 3 en 1985 (traduction abrégée de la version allemande) et David Marc Hoffmann, op. cit.
(28) Ecce homo d'abord en édition séparée (1908). Comme c'est le cas pour Der Antichrist, des passages sont supprimés; cf. les notes et variantes dans Nietzsche, Œuvres philosophiques complètes (OPC) Paris, Gallimard, tome VIII.
(29) L'édition de Der Wille zur Macht de 1901 sert à la traduction française, La volonté de puissance, réalisée par Henri Albert publiée aux éditions du Mercure de France en 1903, et sans changements dans les nombreuses rééditions qui ont suivi. Jusqu'au passage dans le domaine public, c'est la seule traduction à circuler. Une deuxième Volonté de puissance paraît en français en 1935 (tome 1) et 1937 (tome 2). Elle est réalisée par la germaniste Geneviève Bianquis à partir du travail de Friedrich Würzbach (qui paraît en allemand en 1940 sous le titre Das Vermächtnis Friedrich Nietzsches). Elle est sous titrée "seule édition complète en France" et compte 2397 "aphorismes". Cf. à ce sujet Paolo d'Iorio, Les volontés de puissance.
(30) Déjà publiée en édition séparée en 1917: cf. Nietzsche, Friedrich: Der Wille zur Macht : eine Auslegung alles Geschehens, neu ausgew. und geordnet, [mit einem Vorw.] von Max Brahn. - Leipzig : Kröner, 1917. (d'après Weimarer Nietzsche Bibliographie)
(31) Bd. 18: Umwerthung aller Werthe : erstes und zweites Buch. Pläne und Entwürfe - 1926. - VIII, 361 S. et Bd. 19: Der Wille zur Macht : Versuch einer Umwerthung
aller Werthe : drittes und viertes Buch. Nachträge) - 1926. (Weimarer Nietzsche Bibliographie)
(32) Comme je l'ai déjà dit plus haut, la sœur de Nietzsche obtient (avec Nietzsche) les droits d'auteur sur Der Wille zur Macht; cf. David Marc Hofmann, Zur Geschichte des Nietzsche-Archivs. Chronik, Studien und Dokumente, Berlin-New york, W. de Gruyter, 1991, p. 108.
(33) Cf. M. Montinari, L'art vénérable de lire Nietzsche. Selon Etienne Morin, "Le 7 août 1937, Schlechta et Hoppe présentent au Comité scientifique de l'édition historico-critique des œuvres et de la correspondance de Nietzsche les conclusions de leur enquête sur la légitimité des éditions des livres de Nietzsche. Ils concluent que c'est une véritable entreprise de falsification que dirigea Elisabeth avec ses Nietzsche-Archiv. L'ouvrage est définitivement classé comme faux." (Curiositas) Cf. Karl Schlechta, Der Fall Nietzsche; Aufsätze und Vorträge, München, Hanser, 1958, traduit en français par André Cœuroy: Le cas Nietzsche, Paris, Gallimard, 1960.
(34) Il existe une réédition en 1980: Cf. Nietzsche, Werke in vier Bänden, Wien, Caesar, 1980.
(35) Cf. Karl Schlechta, "Philologischer Nachbericht" in Nietzsche, Werke, tome 2, 1956, p. 1383-1432, aussi sous une forme abrégée en 1957: ""Entmythologisierung" des "Willens zur Macht"", in Frankfurter Hefte,. Jg. 12, Frankfurt, M., 1957, p. 17-26. Cette thèse est contestée par Erich Podach
dans Friedrich Nietzsches Werke des Zusammenbruchs, Wolfang Rothe Verlag, Heidelberg, 1961 (WNB).
(36) Cf. Friedrich Nietzsche, Gesammelte Werke, München, Goldmann (Weimarer
Nietzsche Bibliographie). Il existe une réédition en 1994 (Weimarer Nietzsche Bibliographie)
(37) Cf. Weimarer Nietzsche Bibliographie. Pour les volumes publiés à partir de 1999, cf. Weimarer Nietzsche Bibliographie
(38) Contrairement à Erich Podach, ils considèrent qu'Ecce homo est bien une œuvre achevée de Nietzsche. Il existe encore de nos jours des divergences d'opinion à propos du contenu exact de cette œuvre. Cf. Podach: Nietzsches Werke des Zusammenbruchs, op. cit. (WNB) et par exemple le long compte-rendu de Pierre Champromis, "Podach, Nietzsches Werke des Zusammenbruchs oder Zusammenbruch der editorischen Werke Podachs?", in Philosophische Rundschau, Jg. 12, Tübingen 1964, S. 246-263.
(39) Cf. Ludger Lütkehaus, "« Ich schreibe wie ein Schwein ». Die neue Nietzsche-Gesamtausgabe lässt den großen Stilisten aussehen wie einen Kritzler" (LiteraturKritik.de)
(40) Cf. la page sur le site de l'éditeur Walter de Guyter.
(41) "Die Bände bieten nun tatsächlich eine diplomatisch treue Transkription der Manuskripte mit allen Korrekturen, Streichungen, Verbesserungen und Verschlimmbesserungen, die Nietzsche selbst vorgenommen hat, akkurat in der Folge, die die Hefte vorgeben, zur Not auch von hinten nach vorne, von rechts nach links, mit Schrägzeilen und Wellenlinien in genauer räumlicher, « topographischer », nicht chronologischer Wiedergabe - und mehr als einmal stehen die Texte sogar auf dem Kopf." Cf. Ludger Lütkehaus, op. cit.
(42) Nietzsche Source
(43) On peut constater les mêmes bases pour les éditions des œuvres complètes en français dans l'édition Robert Laffont en deux volumes (Friedrich Nietzsche, Œuvres, sous la direction de Jean Lacoste et Jacques Le Rider, collection Bouquins, 1993) et dans le recueil d’œuvres publié par Flammarion Friedrich Nietzsche, Œuvres, préfacé par Patrick Wotling, collection Mille et une pages, 2003).
(44) Friedrich Nietzsche, Das Hauptwerk, München, Nymphenburger, 1993/1994. D'après le texte de la Kröner
Taschenausgabe. (WNB)
(45) Cf. (WNB)
(46) Ludger Lütkehaus und David Marc Hoffmann (Ed.), Ausgaben letzter Hand, Frankfurt a. M., Basel, Stroemfeld. Ce projet est prévu en 20 volumes.
(47) Cf. Stefan Höppner,"Ein Nietzsche für Liebhaber. Der „Zarathustra“ eröffnet eine neue
Gesamtausgabe", in literaturkritik. Pour l'instant, 2 volumes parus en 2013: Bd 11 (Also sprach Zarathustra, 1, 2, et 3) et Bd 12 (Also sprach
Zarathusra 4).
(48) "Für Nietzsche selbst und für seine Leser sind diese Hauptsache: seine Bücher. Mitunter allerdings ist der Übergang zwischen Nachlass und Büchern fließend. Das gilt schon für den vierten Teil von "Also sprach Zarathustra", von dem Nietzsche nur einen Privatdruck für engste Freunde anfertigen ließ, der jetzt in der "Basler Ausgabe" reproduziert vorliegt. Lütkehaus und Hoffmann werden vom Prinzip der Druckgestalt letzter Hand abweichen müssen, wenn sie die Werke aus Nietzsches letztem halbem Schaffensjahr edieren werden – darunter "Der Antichrist und Ecce homo".
Diese Schriften hat Nietzsche nicht mehr veröffentlichen können; es gibt also keine Druckgestalt "letzter Hand". Ohnehin sollte man die Metapher von der "letzten Hand" nicht ganz wörtlich nehmen, denn die Korrekturen, die Nietzsche in die Handexemplare seiner Bücher für künftige Neuauflagen eingetragen hat, werden von der "Basler Ausgabe" nicht übernommen." Cf. Urs Sommer, "Der Denker auf Taubenfüßen", in Badische Zeitung, 14 décembre 2013.
(49) Friedrich Nietzsche, Philosophische Werke in sechs Bänden, (Claus-Artur Scheier, éd.), Hamburg, Meiner, 2013.
(50) Aucune œuvre achevée: Nietzsche contra Wagner, Der Antichrist, Ecce homo, Dionysos-Dithyramben
(51) Cf. Nietzsches Nietzsche - Werke letzter Hand. Vorstellung des Editionsprojekts des Kollegs Friedrich Nietzsche im L.S.D. Lagerfeld, Steidl, Druckerei Verlag - mit Rüdiger Schmidt-Grépály (Hg.), Renate Reschke und Bazon Brock. Cf. Rüdiger Schmidt-Grépály (Hg.), Friedrich Nietzsche. Lernt mich gut lesen!, Steidl Verlag, Göttingen 2012. Et aussi Rüdiger Schmidt-Grépály, Zur Rückkehr des Autors. Gespräche über das Werk Friedrich Nietzsches. Gespräche mit Peter Sloterdijk, Bazon Brock und Renate Reschke, Steidl Verlag, Göttingen 2013.
(52) Comme le remarque Christian Niemeyer, "Die erste Abteilung soll die handschriftlichen Druckmanuskripte faksimiliert in Originalgröße, gedruckt auf unterschiedlichen Schreibpapieren zeigen, so, wie sie Nietzsche verwendet hat. Die zweite Abteilung soll die Werke in der vom Philosophen autorisierten letzten Druckfassung wiedergeben. Schmidt-Grépály, Leiter des Weimarer Nietzsche-Kollegs, konkurriert bei Stroemfeld mit Ludger Lütkehaus als Herausgeber, zu dem sich außerdem David Marc Hoffmann gesellt." Cf. Christian Niemeyer, "Friedrich Nietzsche: drei neue Werkausgaben. Auch Fußnoten können einen Pferdefuß haben", in Der Tagesspiegel, 6 janvier 2015.
(53) Contient aussi Hymne an das Leben et des suppléments.
(54) Cf. Giuliano Campioni, "Pour une nouvelle lecture de Nietzsche. La leçon de Mazzino Montinari et de son édition critique", in Dorian Astor et Alain Jugnon (ccord.), Pourquoi nous sommes nietzschéens, Les impressions nouvelles, 2016, p. 37-53 et le compte-rendu de Christian Ruby, "Faut-il être ou ne pas être nietzschéen?", 29 novembre 2016 sur le site Nonfiction.
(55) Voir par exemple Matthias Schubel: "Des recherches approfondies sur les sources et les différents plans envisagés par Nietzsche ont depuis établi l’invalidité de La Volonté de puissance comme un livre voulu par le penseur ; ce dernier avait lui-même en fin de compte abandonné ce projet à la fin du mois d’août 1888, comme l’atteste Mazzino Montinari." Cf. Mathias Schubel, "Nietzsche, le philosémite européen", Philosophique, 10, 2007, p. 143-152. Même Domenico Losurdo qui émet par ailleurs toutes sortes de réserves, le reconnaît: " Il est vrai que, pour la première fois, nous disposons des cahiers de notes de Nietzsche dans leur ordre chronologique et dans une édition critique fiable. Nous ne dépendons plus de la rédaction et de la sélection opérées par la sœur de Nietzsche et par tous les éditeurs à sa suite, dans leurs publications des fragments posthumes." Cf. Domenico Losurdo, "Les lunettes et le parapluie de Nietzsche", in Noesis, 10, 2006, p. 237-251.
(56) Elle est très souvent qualifiée d'édition "de référence". Il en est de même des Œuvres philosophiques complètes (OPC) publiées en France aux éditions Gallimard.
(57) Cf. Ralf Eichberg, "Nietzsche, wie er gelesen werden wollte? Rezension zu: Rüdiger Schmidt-Grépály (Hg.), Zur Rückkehr des Autors, und ders. (Hg.), Friedrich Nietzsche, Lernt mich gut lesen!", Berlin/New York, Walter de Guyter, 2017.
(58) Cf. Ludger Lütkehaus, "Ich schreibe wie ein Schwein" Die neue Nietzsche-Gesamtausgabe lässt den großen Stilisten aussehen wie einen Kritzler, 2006, in Literaturkritik
(59) Cf. G. Colli et M. Montinari,"Etat des textes de Nietzsche", trad. par Hans Hildenbrand et Alex Lindenberg, in Nietzsche, Paris, Editions de Minuit, 1967, p.127-140.
(60) En attestent les préfaces, postfaces, appareils critiques... des éditions des œuvres complètes de Nietzsche, de même que les très nombreux comptes rendus publiés tout au long du XXème siècle.
(61) Sur CD-ROM in KGA (1980) et sur Nietzsche Source (2009).
(62) Cf. Rüdiger Schmidt-Grépaly, Rückkehr des Autors. Gespräche über das Werk Friedrich Nietzsches, Steidl, 2014.
(63) Cf. la brochure de l'éditeur à l'occasion de la parution ds premiers volumes de la Basler Ausgabe, en 2013.
(64) Cf. supra la note (48). Faut-il publier Ecce homo? Et sous quelle forme? Pour Erich Podach, ce serait une œuvre inachevée. Cf. Friedrich Nietzsche, Friedrich Nietzsches Werke des Zusammenbruchs, réunies avec une introduction d' Erich Podach, Heidelberg, Rothe, 1961 et la discussion de Pierre Champromis, "Podach, Nietzsches Werke des Zusammenbruchs oder Zusammenbruch der editorischen Werke Podachs?", in Philosophische Rundschau, Vol. 12, No. 3/4, 1964, p. 246-263. L'unanimité n'existe pas à ce sujet aujourd'hui encore.
(65) "Die Unterschiede sind schwerwiegend. Leser, die mit den Tücken der Philologie nicht vertraut sind, könnten spätestens hier den Glauben verlieren und desillusioniert feststellen, dass Editionen immer schon Interpretationen und manchmal auch Manipulationen sind."; cf. Ludger Lütkehaus, op. cit. in literaturkritik)
(66) Il ne faut pas oublier, comme le souligne Christian Niemeyer, que "Der tiefere Sinn dieses Vorgehens besteht offenbar darin, Nietzsche von seiner Indienstnahme durch die Nationalsozialisten zu befreien"; cf. Christian Niemeyer, "Friedrich Nietzsche: drei neue Werkausgaben. Auch Fußnoten können einen Pferdefuß haben", in Der Tagesspiegel, 6 janvier 2015.
(67) La désignation d'EFN comme seule responsable de la nazification de Nietzsche est dénoncée à de nombreuses reprises. Paolo d'Iorio parle de "simplification inacceptable", dans Les volontés de puissance.
(68) Cf. M. Montinari, L'art vénérable de lire Nietzsche.