Edouard Thamiry (1871-1941)


Abbé, Edouard Thamiry est professeur à la Faculté de théologie de Lille.


THAMIRY Edouard, Les deux aspects de l'immanence et le problème religieux, études de philosophie et de critique religieuse, Paris, Bloud et Cie, 1908.

Condamne : "En son incurable amour-propre chacun voit en soi-même le Surhomme, dont Renan, et Nietzsche plus encore, se sont efforcés de justifier les cruelles prétentions". Ajoute en note : "Tel est l’aboutissant pratique du monisme contemporain, et telle est la conclusion que tous ses adeptes, - à moins d’un recours illogique aux doctrines chrétiennes - doivent tirer pour eux-mêmes. En leur inconscient orgueil, ils s’appliquent cette parole de Renan (L'Avenir de la Science, préf., p. XVI) : « Le but de l’humanité est la constitution d’une conscience supérieure...» ; l’univers y travaille même en sacrifiant une foule d’existences inférieures, puisqu’une « imperceptible quantité d’arôme s’extrait d’un énorme caput mortuum de matière gâchée » (Ibid., p. III). On n’exprime pas mieux le mépris du Surhomme pour le vulgaire.

Nietzsche est encore plus dur et plus inhumain, quand il reproche aux religions de protéger l’existence d’individus gênants pour le Surhomme : « La religion de la pitié a l’immense inconvénient de prolonger une foule d’existences inutiles, condamnées par la loi de sélection ; elle conserve, elle multiplie la misère dans ce monde ; elle rend, par conséquent, l’univers plus laid, la vie plus digne d’être niée ; elle est une forme pratique du nihilisme. Elle est une menace pour l’existence et la santé morale des plus beaux exemplaires de l’humanité. » (Cf. H. Lichtenberger, La philosophie de Nietzsche, p. 119)". (p. 31)

Souligne encore le conflit inévitable entre la morale naturaliste et la morale catholique (p. 226 et suivantes) : "et il se résout, quoi qu’on en veuille dire, en une opposition de doctrines : le christianisme enseigne que Dieu a créé l’homme, qu’il lui a donné la liberté et lui laisse le soin de conquérir, par sa valeur personnelle la félicité de l’au-delà ; - le naturalisme répond : l’Humanité est l’incarnation même de Dieu, de l’Absolu, dont l’évolution fatale fera régner sur la terre le parfait bonheur. Mais l’évolution ne progresse que grâce à la sélection, c’est-à-dire à l’élimination des faibles ; c’est pourquoi il est nécessaire de détruire ces derniers en même temps que les religions qui ont eu à cœur de les protéger. C’est la double rançon de la morale scientifique : Renan (1), Spencer (2) et Nietzsche (3) le proclament sans détours.

(1) Cf. L'avenir de la science, p. 3.

(2) Cf. Introduction à la science sociale, trad. Franç., p. 371 : « Nourrir les incapables aux dépens des capables, c’est une grande cruauté. C’est une réserve de misère amassée à dessein pour les générations futures... On a le droit de se demander si la sotte philanthropie, qui ne pense qu’à adoucir les maux du moment et persiste à ne pas voir les maux indirects, ne produit pas au total une

plus grande somme de misère, que l’égoïsme extrême ». - Cf. item, L'individu contre l’État, passim.

(3) Cf. Henri Lichtenberger, La philosophie de Nietzsche, p. 118 et suiv. : « Un inconvénient plus grave encore de la religion de la pitié c’est qu’elle contrarie l’action normale de la loi de sélection, qui tend à faire disparaître les êtres mal conformés et qui, par suite, ont peu de chances de sortir victorieux du combat pour l’existence" (p. 226).