Bibliographie inédite des publications françaises sur Nietzsche 1868-1940
(Laure Verbaere et Donato Longo)
Après des études à l'École normale supérieure, il est licencié ès lettres en 1883 et agrégé des lettres en 1885. Il obtient un doctorat ès lettres en 1898. En 1899, il acquiert le statut de maître de conférences de langue et littérature grecques à la Faculté des lettres de Paris. En 1912, il est chargé du cours d'éloquence grecque (suppléant d'Alfred Croiset) et en 1913, il est nommé directeur de l'École française d'Athènes.
Lire Cagnat René, "La vie et les travaux de Gustave Fougères", in Revue internationale de l'enseignement, tome 83,1929. p. 65-78.
FOUGERES Gustave, "Ouverture des conférences à la Faculté des lettres de l'Université de Paris", in Revue internationale de l'enseignement, t. XLIV, novembre 1902, 385-399.
Discours tenu le 7 novembre 1902 à la séance d'ouverture de la Faculté des lettres de l'Université de Paris. Traditionnel discours d'ouverture sur des aspects de méthode. Défend et expose la "méthode historique" telle que Gustave Lanson l'a présentée l'année précédente. Finalement, soutient que l'histoire littéraire s'identifie avec l'histoire des idées, de la société, de la civilisation. Met en garde contre les généralisations prématurées. Soutient que la culture grecque "reste le plus ferme appui de l'esprit moderne" (p. 393). Elle apprend que l'esprit critique est primordial. Si l'optimisme scientifique se heurte à l'autorité ou aux "défiances d'un pessimisme rétrograde", il faut les combattre. Note : "Cet optimisme scientifique devenu une foi tenace peu disposée à céder le pas, a trouvé d'amers détracteurs. Frédéric Nietzsche, l'un des premiers, a dit à la culture gréco-moderne des choses très dures. Je ne saurais les répéter ici, dans une maison où l'optimisme s'objective sur tous les murs en symboles d'une flatteuse transparence. L'écho discordant de ces blasphèmes ne manquerait pas d'effaroucher ici le sourire et le vol confiant de ces vaporeuses allégories. Mais, quoi qu'en dise Nietzsche, son rêve de beauté implacable et féroce ne hanta jamaus une âme grecque. Il n'est pas non plus le nôtre. A cette orgueilleuse chimère, édifiée sur les ruines de la Science et de l'Harmonie, nous préférons la sereine bienfaisance de cette pensée de Périclès : que toute supériorité fondée sur la raison est un enseignement - , non un instrument d'oppression et de douleur" (p. 394).
L'érudition n'est pas une fois en soi mais prépare le jugement subjectif. Le travail historique prépare la critique. La variété des interprétations correspond à la variété des sensibilités ; elle n'aboutit pas nécessairement à une "dénaturation arbitraire et fausse de l'objet" (p. 397). Défend l'idée d'une vérification de l'authenticité.
Revient sur l'opposition entre vérité et neutralité : "Si le sens littéraire ne peut dispenser d'être historique, il reste incomplet s'il n'est qu'historique. Le culte de la vérité ne se confond pas avec celui de la neutralité ou de l'indifférence. Toute étude littéraire implique, en dernière analyse, une dose de sympathie ou d'antipathie, ou d'enthousiasme, ou du moins d'émotion. Il y a une illusion très commune chez ceux que Frédéric Nietzsche appelle les hommes théoriques : c'est de s'imaginer que l'intelligence n'a plus d'autre devoir que la constitution de répertoires méthodiques, de catalogues raisonnés, de musées savamment classés. Ils font et refont leurs classements avec une conscience intrépide. Ils s'expliquent tout, mais finissent par ne plus rien sentir. Admirer leur semble ridicule et oiseux. Ils croient avoir libéré leur esprit en l'affranchissant de l'enthousiasme, et cette libération, qui n'est qu'un changement de servitude, les rend glorieux. Ils sont comme intoxiqués de causalité. L'habitude de considérer toute œuvre comment un effet a tué en eux la sympathie pour l'effort créateur, pour tout élan spontané qui échappe aux règles de leur méthode" (p. 398).
Souligne les dangers d'une telle attitude, si elle est généralisée. Défend l'alliance de la raison et du cœur.