Bibliographie inédite des publications françaises sur Nietzsche 1868-1940

(Laure Verbaere et Donato Longo)

 

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Jean Guiraud (1866-1953)


Agrégé d'histoire en 1888, docteur ès lettres en 1895, Jean Guiraud est spécialisé dans l’histoire de l’Eglise,

Professeur d’histoire et de géographie de l’Antiquité et du Moyen Âge à l’Université de Besançon, il est aussi rédacteur en chef du journal La Croix de 1917 à 1939.



 

GUIRAUD Jean, "Culture germanique et culture latine", in La Croix, supplément du numéro du 22/23 juillet 1917.

Dénonce les récents enthousiasmes latins. Témoigne et dénonce: "Dans nos lycées, on étudiait presque uniquement la philosophie allemande. C'est ce que démontre fort bien M. Vaugeois dans son livre sur la Morale de Kant dans l'Université. Moi aussi j'ai été, comme M. Léon Daudet, l'élève de Burdeau, au lycée Louis-le-Grand, et je me rappelle que sa classe était une petite chapelle dont Kant était le dieu. (...)

Avec Kant, c'étaient tous les philosophes allemands qui avaient envahi notre enseignement officiel et l'âme française. M. Boutroux nous initiait à leur pensée en traduisant l'Histoire de la philosophie allemande, de Zeller, devenue le manuel de l'Histoire de la pensée humaine.

Les matérialistes introduisaient la psychologie physiologique de Wundt et avec elle les instruments destinés à percevoir et à mesurer la vie de l'esprit; ils nous initiaient au matérialisme de Buchner et d'Haeckel.

Le cynisme de Schopenhauer, son nihilisme désespérant, entraient pour une large part dans l'éducation morale de la jeunesse universitaire, depuis que, éclectique dans ses admirations germaniques, l'Université l'avait introduit dans ses bibliothèques scolaires où vint finalement le rejoindre Nietzsche avec sa théorie du surhomme s'élevant au-dessus et aux dépens de l'humanité tout entière, comme une magnifique plante sur un fumier. On ne voyait pas alors que c'était exactement la théorie de la domination allemande sur le monde et on était si aveugle qu'il suffisait qu'une doctrine philosophique eût passé le Rhin pour que. idéaliste ou matérialiste,

individualiste ou étatiste, dogmatique ou sceptique, elle entrât de plain-pied dans l'Université et, par elle, dans les cerveaux des jeunes Français.