Bibliographie inédite des publications françaises sur Nietzsche 1868-1940

(Laure Verbaere et Donato Longo)

 

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Stanislas Rzewuski (1864-1913)


Auteur dramatique, philosophe, critique littéraire et écrivain français, né en Ukraine.


RZEWUSKI Stanislas, « La philosophie de Nietzsche », in Cosmopolis, octobre 1898, vol. 12, n°34, p. 134-145.

Extrait:

RZEWUSKI Stanislas, "La mort de Nietzsche", in Le Gaulois, 26 août 1900, p. 2.

Note: "Le plus populaire des philosophes allemands contemporains, l'illustre créateur du système du surhomme, Frédéric Nietzsche, vient de mourir à Weimar. Il serait aussi téméraire que puéril de vouloir définir, en une brève notice nécrologique, les traits essentiels de la conception du monde, de la doctrine morale et du système de l'Univers, qui résument la pbilosophie du poëte de Ainsi parlait Zarathoustra, d'autant plus que les éléments primordiaux de la pensée spéculative chez Nietzsche apparaissent toujours voilés par les ombres vaines du paradoxe et de l'exagération sectaire.

Il faut avoir le courage de le dire nettement avec la franchise que l'on doit à la mémoire d'un homme de génie (car ce fut très certainement une intelligence géniale, et nous ne songeons pas à le nier), Nietzsche ne laissera pas dans l'histoire de la philosophie moderne une œuvre durable, supérieure et gigantesque comme celle qui assure l'immortalité de ses illustres compatriotes, les Fichte et les Scheiling, les Hegel et les Hartmann, les Kant et les Schopenhauer. (...)"

 

RZEWUSKI Stanislas, "La Criminelle", in Le Gaulois, 3 février 1909, p. 3.

Roman. L'héroïne, la comtesse Rostoff "était bien une de ces reines de beauté et d'orgueil dont le monde d'aujourd'hui acclame la souveraineté, un de ces êtres néfastes, charmants et redoutables qui ne connaissent point d'autre loi que celle de leur volonté et de leur orgueil, qui ne pardonneraient pas une injure, mais eux-mêmes une fois terrassés ou vaincus par le sort, n'acceptent pas de pardon.

Le dur, l'implacable Nietzsche, le philosophe à la mode des temps présents, l'ennemi des faibles, le panégyriste de la violence et de la force était son maître et son guide dans la vie".

 

RZEWUSKI Stanislas, "La grande Beauté", in Le Siècle, 17 juillet 1909, p. 1.

Roman. 

"—Lanfrey est un des rarissimes décavés parisiens qui soient parvenus à refaire une existence nouvelle. Les autres, après leurs folies de jeunesse, finissent lamentablement, comme moi, par exemple, sans nulle vanité, inutiles et aigris, s'ennuyant à mourir dans quelque petite ville de province. Lui, a trouvé moyen de gagner plusieurs millions après sa débâcle, je ne sais où, en Amérique... ou en Australie, dans je ne sais quelles spéculalions... oh ! il est très intelligent, très instruit, il est très fort! Impossible de le nier!

— C'est fantastique ! dit Césarine.

— Oui, mais c'est comme ça, continua le vicomte ; personne ne pensait plus à lui dans le pays... Dix ans de vagabondage et d'exil... Puis, tout à coup, le voilà qui revient riche, indépendant, se moquant de tout le monde.

— Achille te l'a dit, ajouta Fabienne, il acheta sans marchander le manoir et la terre d'IIauteville.

— Oui, et il y vit dans la retraite et le bien-être, comme un coq en pâte, il se repose des orages d'autrefois.

—Ah ! c'est un veinard !

—Sans doute, insistait Fabienne, mais c'est aussi un homme si pervers, si dangereux ! Il vous débite des choses à faire frémir, des théories que la police ne devrait pas permettre !

Césarine ne put s'empêcher de sourire, elle n'en avait pourtant guère envie.

— La police ? Ah ! ma pauvre Fabienne !... Celle-ci continuait toutefois ses récriminations.

— Tu ne l'as pas vu depuis dix ans, tu ne peux pas savoir ! C'est un homme qui ne respecte plus rien, ni la morale, ni les lois, ni les convenances mondaines ! rien !

— Oh ! Je connais ses théories d'anarchiste lettré, répondait Césarine d'un ton ennuyé. Tout cela est bien en fantin, bien démodé, bien inoffénsif !— Ah ! tu trouves ? Et bien nous, en province, nous estimons que c'est un révolutionnaire dangereux ! Très intelligent, très lettré, tout ce que tu voudras, mais dangereux au possible !

— Ne dites donc pas de bêtises, ma petite Fabienne!

—Comment ! Les idées de M. Lanfrey ? Mais c'est le scandale du pays !' Tiens ! Il y a trois mois à peine,- au bal du sous-préfet, on en parlait encore avec indignation ! Et insolent avec ça, et orgueilleux ! II ne fréquente personne !

— Oui, c'esï un individu bien antipathique, ajouta M. de Parpacé. Mais le monde est si bête ! On en a fait une espèce de personnage fatal, un héros de roman. Alors, tout de suite, cela lui donne du prestige... Les femmes en raffolent !

— Décidément, je vois que vous ne l'aimez guère, ce pauvre Lanfrey !

— En province, chère amie, nous détestons les poseurs. Or, ce monsieur, évidemment, veut épater le monde avec ses théories, mais cela ne prend plus !

— Vous disiez le contraire à l'instant même, riposta Césanne un peu agacée.

— Auprès des  imbéciles, je ne dis pas. Tenez, un académicien de Caen l'a surnommé le surhomme. Eh bien, les gens du pays répètent ça sans comprendre. Il parait que c'est une allusion à je ne sais quel bouquin subversif d'un philosophe allemand, un nommé Nietzsche... Dire que nous serons toujours envahis par l'étranger !... Nietzsche, vous devez connaître ça, Césarine, vous qui lisez tant de choses ?

— Oui,mon cher Achille, je connais ça, répondit la belle madame Duparc sans daigner mettre la moindre ironie dans sa réponse. Oui, j'ai même lu autrefois les œuvres de ce grand et agaçant écrivain allemand, ce qui ne m'empêche pas d'être une aussi bonne Française que les femmes du monde de votre sous-préfecture.

— Oh ! Je n'en doute pas ! Seulement, si les idées de ce M. Nietzsche sont celles de Jacques Lanfrey, je ne lui en fais pas mon compliment ! Le surhomme ! Quelle ineptie ! De mon temps, les gens de cette espèce s'appelaient des démagogues, des anarchistes. Au moins , on comprenait tout de suite !

(...)"

 

RZEWUSKI Stanislas, "Detlev de Liliencron", {La vie littéraire à l'étranger}, in Le Figaro, 31 juillet 1909, p. 

"Pour tout dire en un mot, Liliencron a défendu avec éclat, dans la poésie allemande, les idées de Nietzsche, le grand, sublime et décevant apologiste de la volonté de puissance. La doctrine du surhomme qui fut à la mode chez nous il y a quelques années et qui commence, fort heureusement, à paraître singulièrement inefficace et vide au point de vue philosophique ce qu'elle a toujours été, d'ailleurs, cette doctrine antisociale et dont tout le génie littéraire de Nietzche ne parvient plus à dissimuler l'insuffisance, n'a point trouvé, jusqu'à présent, d'adeptes mieux doués ni plus célèbres que le poète auquel nous consacrons cet article et ce fut là, peut-être, une des raisons de sa popularité".