Rassembler les sources conduit naturellement à s'interroger sur l'articulation entre le corpus et l'objet ou plutôt induit de ré-interroger l'articulation entre les méthodes et l'objet.
L'historiographie de la réception de Nietzsche en France (mais aussi dans d'autres aires nationales) est assez riche et désormais ancienne pour identifier et formuler les problèmes
rencontrés. Sans rien enlever aux mérites des travaux existants, repérer les difficultés méthodologiques et épistémologiques et pointer les points aveugles est probablement un passage obligé pour
que de nouvelles pistes soient explorées.
Le but est ici d'envisager l'hypothèse d'une histoire croisée appliquée à ce qu'on appelle communément la réception de Nietzsche en France. Quels seraient les avantages et les apports d'une telle
démarche? Aurait-elle des répercussions sur l'objet et donc modifierait-elle la vision qui prédomine aujourd'hui? Ou induirait-elle un nouvel objet, c'est-à-dire conduirait-elle à la construction
d'un objet inédit?
Je m'appuierai sur la contribution programmatique de Werner et Zimmermann dans De la comparaison à l'histoire croisée (2003) qui me servira de fil conducteur pour examiner les différents
aspects de la question.
L'histoire croisée se présente comme une alternative aux approches comparatistes et aux études de transferts culturels qui sont les deux angles sous lesquels l'histoire de la réception de Nietzsche a jusqu'à présent été abordée, notamment en France par Angelika Schober (1990), Louis Pinto (1995) et Jacques Le Rider (1999). Même si ces travaux n'appartiennent pas exclusivement à l'une ou l'autre de ces deux angles, je les séparerai ici par commodité, pour suivre mon fil conducteur.
à la base, repose sur une opposition binaire entre différence et similitude
objet empirique constitué de multiples dimensions imbriquées
problèmes de fond:
position décentrée de l'observateur
choix du niveau de la comparaison, de l'échelle
définition de l'objet de comparaison, tenir compte de son historicité
conflits entre logiques synchroniques et diachroniques, fixer l'objet, recherche d'équilibre
ok, étude de processus de transformation mais aussi problèmes:
cadre de référence: présuppose un début et une fin qui sont saisis à travers des références nationales stables, présumées connues
catégories d'analyse appartiennent aux différents registres nationaux
même si mesure des écarts, pas d'historicité des catégories
d'où déficit de réflexivité: catégories réintroduisent les références nationales qu'il s'agissait de relativiser
ok meilleure approche de culture de réception, historicise concept de culture nationale
mais conforte les a priori qu'elle véhicule
pas de réciprocité, processus linéaires simples, pas étude des phénomènes d'interaction
RENVERSEMENT: l'influence de la guerre mondiale sur la compréhension de Nietzsche
PROBLEME DE LA SELECTION DES SOURCES: parfois on ancre dans la société et parfois on coupe
L'historien est loin d'être "neutre"
intro: bilan de l'évolution et des acquis à la lumière des critiques et de mes travaux personnels
1/ Historisation: une démarche qui s'est routinisée
Succès de JLR et LP puis Schrift
Multiplication des études à dimension historique, sociologique...
Même chez des philosophes: le cas Taguieff
Mezziane, Frédéric Porcher...
héritiers, enfants, neveux, disciples, posthumité...
au delà de la réception française, nombreuses études aussi ailleurs avec vocabulaire spécifique: Wirkungsgeschichte... Nietzsches Erbe. Exemple Andreas Urs Sommer. Legacy
mais aussi... contestée
Histoire à nouveau moquée: Astor
son intérêt est limitée: Wotling
sa portée est mauvaise
éloge de l'oubli
2/ Périodisation acquise
découpage en trois s'est imposé
1er réception dans les milieux littéraires
2ème existentialisme mais philosophe marginal
3ème entrée dans la philosophie universitaire
des propositions autres, pas retenues
pratiques mais floues
4ème
les guerres?
1890= pb pour la question Montinari/Bianquis
ruptures=) perte de l'héritage
3/Les sources
nouvelles données avec nouvelles études individuelles
plaintes: trop de sources
je maintiens au contraire: pas assez.
prédilection pour les sources imprimées
seulement partie émergée de l'iceberg
où sont les archives?
Le succès de Nietzsche
une réception=fortune
que faire d'un échec éditorial?
une célébration? patrimonialisation?
Se demander: Nietzsche pour tous=succès?
Forte opposition entre richesse versus "tout mauvais"
pas nouvelle: Megill 1994
Francisation de Nietzsche
opposition Montinari/Bianquis
projet Bibliothèque de Nietzsche
séminaire ITEM/ENS (... de reconstituer le dialogue intellectuel que Nietzsche a eu avec cet auteur et, à travers lui, avec une série de thèmes présents dans la philosophie française et européenne de l’époque : darwinisme, utilitarisme, pessimisme, compassion, altruisme, volonté d’expansion de la vie et volonté de puissance. Nietzsche lit Guyau)
penser l'articulation
Nouveaux cas individuels et catégories nouvelles dans un cadre stable
études de cas individuels
éclairage de nouveaux pans/catégories
filon inépuisable vu les pans encore vides: femmes, catholiques...
le problème de la diversité
des échelles toujours contestables
Peut-on vraiment parler d'échelle nationale?
histoire de la réception s'écrit à l'échelle française
c'est surtout un cadre
accord que epidemisch contagion
pas seulement philosophique, tous les milieux
pourtant sources choisies très "intellectuelles"
seulement "littéraire" ou "intellectuelle"
Peut-on dépasser l'échelle nationale?
chantier a pu sembler clos à l'échelle française pour passage à échelle européenne
thème de Nietzsche "bon Européen" a favorisé le passage à cette échelle
passage factice: seulement somme de nationaux
pb1: Transferts sans le point d'origine JLR et LP rien sur étranger
pb2: histoire de l'édition des oeuvres
Les vides significatifs d'un historisation difficile
Hard case
Histoire d'un faux
La nazification
Le sauvetage
le ras le bol des philosophes
Une histoire importante pour Nietzsche et pour tous
Tous héritiers
Le soupçon nazi
Que faire des utilisations de Nietzsche?
Faut-il sauver Nietzsche?
La responsabilité de Nietzsche
Le succès de Nietzsche
Peut-on transmettre la pensée de Nietzsche?
CONSTATER
dans prolongement de frénésie 1990/2000, intérêt pour histoire n'a pas fléchi
échelle française reste même si international et europe
dans la recherche nietzschéenne et même au-delà, JLR et LP se sont imposés comme cadres classiques
dans ces cadres narratifs et méthodologiques, nombreuses études socio/litté/germ/historiques
émergence d'approches philosophico-historiques:
réception précoce: bibliothèque et lectures de Nietzsche (Paolo...)
réception contemporaine: nietzschéisme années trente, des années60/70
profusion témoigne d'un champ désormais bien exploré et de mieux en mieux connu même si on peut toujours trouver de nouvelles niches...
profusion permet de dire que historisation est devenue une démarche qui a acquis une légitimité
la "réception" de Nietzsche, comme la Wirkungsgeschichte, sont devenues un champ autonome avec ses objets et ses méthodes.
Cette autonomie et ses avancées historiennes ont reçu le "soutien" de philosophes
Mais aussi une vague de contestation de philosophes
victoire semble de nos jours une maigre victoire au sein de la recherche nietzschéenne
La légitimité en effet accordée mais contestée
balayée, disqualifiée comme ridicule et inutile
un champ à part de la recherche nietzschéenne
rats de bibliothèque
instruit un passé qui ne sert à rien
Contestée comme nuisible et finalement comme infondée
Ces remises en cause témoignent d'un conflit ancien entre philosophie et histoire
mais posent peut être aussi de vraies questions
la question d'une victoire usurpée que je prédisais en 2002 et dont je me réjouissais tout en soulignant quelques difficultés non résolues et quelques faiblesses auxquelles il faudrait remédier.
justifie pleinement bilan qui ne veut pas être un tour d'horizon nécessairement incomplet qui ne présenterait pas trop d'intérêt
moins un bilan qu'un état des lieux de mes propres recherches, un champs de questions
bilan tournera autour du problème de l'historisation, sans se limiter aux seules approches historiennes
nombreux vocables pas toujours clairs: après enfants (Kofmann), neveux (LP): posthumité, héritiers, adeptes, disciples...
surtout la vogue des notions de TC, de "réception" et/ou d'"usage" qui légitiment l'historien qu'elles placent dans une position de "neutralité"
Neutralité. Légitimité à défendre ou encore à construire? trop de routine pour un cas singulier?
ou rôle de l'histoire à redéfinir
bilan à mi-chemin entre théorie et pratique
se concentrer sur des problèmes concrets
pas limités aux seuls historiens
des questions
insatisfactions
1 découpage en 3 moments
découpage initié par JLR et LP s'est imposé en France
et ailleurs: JLR traduit en espagnol (Nietzsche, una pasión francesa, 2002)
d'autres propositions, plus précises (pertinentes) ont été écartées
grand flou
quand même trou des guerres
dates entre 2ème et 3ème moment sont fluctuantes
vide des années 50
flou pratique, peu contraignant, ce qui explique son succès.
petits bilans récap, ouvrages externes à la recherche nietzschéenne et travaux nouveaux se sont glissés dans ce cadre
découpage acté chez les philosophes (de Worms, Maniglier... à Astor, Wotling...) même si dédain de la chronologie
Découpage chronologique qui encadre parce qu'il sépare mais qui n'apporte rien
à l'échelle du du siècle, il n'empêche pas aspect kaléïdoscopique (Schober) mosaïque
l'homogénéité au sein de chaque moment n'est pas très claire
discontinuité gênante pour étude des trajectoires individuelles, de jeunesse à vieillesse
coupures qui empêchent de construire des objets sur le XXe: exemple EFN (mort en 1935)
coupures qui accentuent le côté "passé", anecdotique, dépassé, préhistorique...
coupures placent historien dans position hors sol qui l'empêche de réfléchir sur "d'où je parle"
2 Découpage en catégories continue
beaucoup de "Nietzsche et X" inscrits dans découpage chronologique
dans le prolongement de Nietzsche in {xxx} exploré par JLR
de {littéraire} vers le {philo} par LP
poursuivi par Dupré {nationalistes français}
femmes, collège de sociologie, Acéphale...
bientôt on annonce "Nietzsche et les catholiques français"
procédure classique, ratisse bien mais avouer que surtout facile
mêmes inconvénients que découpage chronologique: mosaïque
comme remarquait Michel Espagne dans "Nietzsche et les Juifs", pas d'homogénéité
le projet de "panorama" (JLR) continue donc. survol se disait pas exhaustif et en train de se remplir.
Quelques répliques résumées (Ali...)
A la même échelle (XXe siècle français), on a vu apparaître une "libre exploration" (Taguieff), que certains décrivent bien abusivement comme "un panorama complet de la réception politisée de Nietzsche" (Jean Lacoste, 2021) à la lumière des travaux de Don Longo (Nietzsche et les mouvements socialistes, Nietzsche dans les débats de l'entre-deux guerres) et de Julien Dupré
L'ensemble part et en même temps aboutit à une réception "contradictoire", en éventail
on s'arrête à ce niveau de lecture de l'"accueil" et on cherche des causes: nombreuses propositions
pas assez marqué la responsabilité de l'histoire parmi ces causes (pour arriver au succès)
histoire à l'origine de l'éclatement qu'elle croit constater, par sa démarche en cloisonnements
remarquer que plus on multiple les sources, plus les contradictions sont flagrantes (vaut surtout pour 1er moment quand le corpus est beaucoup plus grand)
le recours à des marqueurs empiriques un peu grossiers.
acter les contradictions peut à la limite correspondre à une première étape
on répond à des questions légitimes: "comment Nietzsche perçu, lu reçu par X ou Y?
étape qui doit être dépassée en questionnant ce qui ne va pas, en cherchant une autre approche (échelle?)
histoire ne sait faire que ça car pas encore capable de décloisonner pour trouver le (ou les) fils conducteurs
essais de Forth et Staszak n'ont pas marché (nietzschéen/anti-nietzschéen, dreyfusards/anti-dreyfusards, âge...)
problème de confusion entre l'échelle et l'objet?
histoire n'est pas allée assez loin dans la construction de son objet: Nietzsche et X, Nietzsche in {XXXX}
historisation insuffisante, trop d'études de petits corpus imprimés
trop de routine, pas assez d'ambition, pas assez d'imagination
chronologie+catégories= combo désastreux
peut-être pas les bonnes méthodes (histoire globale, connectée, croisée, analyse systémique, analyses de discours?...)
3 dilemme Montinari/Bianquis: en cours de résolution?
dans histoire de la recherche nietzschéenne, opposition Bianquis/Montinari, est un cas de problématique intéressante.
Bianquis et Andler: pré-nietzschéisme latent, helvétisation, idées flottaient dans l'air
Montinari/Campioni/Paolo: thèse inverse= francisation de Nietzsche
possible point de dialogue entre philosophes et historiens
Montinari, Campioni, paolo, bibliothèques idéale, lectures de Nietzsche
adhésion de histoire: JLR et autres
gros travail du côté des lectures de Nietzsche (peut-être reprocher absence de la lecture par Nietzsche des journaux français (Journal des Débats, RdDM...)
mais surtout peu de grandes recherches du côté de la période de réception encore peu connue des tout débuts
articulation entre le biographique et la réception met en évidence des problème dans le raisonnement
légende de Taine, rôle de Monod, Bourget, Bourdeau...
importance du changement de génération, justement quand Nietzsche sombre dans la folie (génération 1890)
interroger aussi ce qui semble acquis= le succès rapide de Nietzsche en France?
Ce qui peut interroger, c'est une "rapidité" française avec une réception sans traduction française
une articulation pas très convaincante...
Sans oublier la conclusion de Bianquis dans Nietzsche en France: échec, réception n'a pas commencé (1928)
problème en voie d'être tranché en faveur de l'école italienne, faute de défenseurs adverses
thèse de Bianquis/Andler a aujourd'hui peu d'adeptes (moi)
comment défendre l'idée d'un "nietzschéisme flottant dans l'air"?
par contre, ce qu'il faudrait expliciter, c'est ce qui sous-tend le débat, pas souvent clairement exprimé: la notion d'un "Nietzsche français" dans les deux sens
dans sphère intellecuelle/universitaire/nietzschéenne, un éloge d'un Nietzsche français assez bien accepté dans travaux à autres échelles (Nietzsche in {pays}
parfois noyé dans un Nietzsche européen, le "bon européen"... mais échelle européenne n'est toujours (je crois) que juxtaposition d'échelles nationales (colloques)
Processus de patrimonialisation questionnable
éloge est loin d'être neutre: la notion de "Nietzsche français" s'est essentiellement cristallisée pendant la première guerre mondiale comme un mode d'annexion (Lesueur), d'expropriation (Gide)
Ne pas sous-estimer l'importance d'un débat qui a mobilisé tant de chercheurs et de programmes de recherches
4 position historique très problématique par rapport au nietzschéisme des années 60 /70
à cause de démarches: TC achevé (JLR) et ancrage dans champ philosophique=succès (LP)
surtout JLR pas neutre du tout/Deleuze, Foucault...: vocabulaire élogieux (devrait être absent)
c'était discret (JLR) car fondu dans le convenu
4ème moment (tournant 2000) vient rendre visible, même criant
criant décalage entre "succès" (réception) et "trahison" (lecture des lectures) pour certains philosophes
la consécration de Nietzsche dans la philosophie universitaire reste: agrégation, cours, livres
reste: académisation, institutionnalisation...
mais apparaît la distorsion, les déformations, les trahisons
après peu sérieux Pourquoi... pas nietzschéens (1991) on retrouve le tout aussi idéologique Les nietzschéens et leurs ennemis (Taguieff)
plus sérieux: abondante littérature contre le nietzschéisme de gauche: Bouveresse, Badiou
la parole se libère
jeune génération témoigne d'un tabou levé ou d'une "révélation"
constraste entre le point d'orgue des historiens: TC achevé, conquête (JLR) passage réussi (LP)
et la dénonciation
tout au plus terrain d'entente avec les lectures créatives...
avec extension limite: Taguieff: « Subvertir la pensée de Nietzsche, n’est-ce pas la meilleure façon de suivre l’enseignement du philosophe de la subversion ? »
5 réception intellectuelle/littéraire des deuxième et premier moments
tripartition a acté que 1er moment=littéraire et 2ème moment=intellectuel
on retient surtout Bataille, Acéphale
1er moment= littéraire
repris: artistes
nouvelles études de cas: Proust, encore Gide, Romain Rolland...
quelles sources? =) des sources littéraires!
et même la littérature la plus "tapageuse" (Bianquis, Bréhier)
grosse influence de Bianquis qui reste un classique: rejet des philosophes (noter études de cas: Ribot, la Revue Philo de F et E)
toujours base pour Alan Schrift ou Worms...
Dommage que livres de JLR et LP aient tout "écrasé": travaux de Don jamais publication papier; livre de Forth pas traduit en français et version anglaise bcp moins riche que sa thèse.
bibliographie de site depuis 10 ans qui a vocation a montrer épaisseur de la réception n'a encore rien généré (dommage): Dupré ok mais si coloré politiquement (!!) ne sera pas reconnu pas recherche nietzschéenne (sans doute)
je milite pour une réception qui n'est pas un simple phénomène littéraire mais un phénomène social... les idées de Nietzsche traversent l'ensemble du tissu social...
paradoxalement, phénomène dont on reconnaît l'ampleur exceptionnelle:
mais ce n'est que survolé
6 succès de Nietzsche en France
réception pris au sens d'influence ou rayonnement (Bianquis, 1929)
réception sert (surtout en France: Joseph Jurt) au sens ancien de fortune
échelle nationale sert de cadre intellectuel/idéologique
la diversité témoigne de la richesse
le nombre témoigne du succès
quelques cas individuels (Gide, Valéry, Bataille, Foucault...) témoignent d'une affinité (élective?)
études de réception débouchent clairement sur l'histoire d'une passion française, une gloire française, exception française, supériorité française...
L'objectif de toujours faire apparaître un "succès" assure de longs jours aux "histoires"
pas bien glorieux de piocher dans un réservoir sans fond
et un peu lassant d'assister à la répétition du même geste intellectuel
on peut se demander si les classiques n'ont pas engendré un cercle vicieux: cadre défini/pré-rempli=)remplissage des cases=)confortent le cadre au lieu de jouer à le recomposer, le déformer... prisonniers du cadre
autrement dit: le champ est en fausse expansion. Il tourne en rond
Des signaux d'espoir existent du côté des études de cas individuels:
D'autres viennent du côté des philosophes: avec des perspectives plus élaborées, des problématiques mieux construites, certains travaux moins touchés/pénalisés par le biais: possible de faire apparaître des aspects méconnus, plus intéressants: chercher les "apports" (F. Porcher), les usages (B. Mezziane). Même si ces travaux n'ont pas à proprement parler une approche historique - je veux dire historienne -, ils apportent une réelle contribution à l'histoire de la réception de Nietzsche en France, justement parce qu'ils ne sont pas prisonniers des cadres et des schémas narratifs des classiques.
Depuis une vingtaine d'années, un autre courant s'est développé qui jette une tout autre lumière sur l'accueil de la pensée de Nietzsche en France. Pour le dire de manière un peu "provocante", comme le dit Yannis Constantinidès lui-même, l'histoire commence en 2000. "année zéro"
Un discrédit général est jeté sur tout ce qui précède.
un fossé entre l'apologie d'un Nietzsche français et la dénonciation d'une rencontre manquée. un succès versus une suite de malentendus.
vieux conflit entre historiens de réception/philosophes (Bergamnn, 1994) qui a longtemps retardé développement du champ.
DES REPROCHES/Historiens qui peuvent être utiles?
Neutre? histoire a pourtant pls conséquences directes/indirectes
et pas le moindre des paradoxes que ce soit du côté des critiques que apport de histoire apparaît le plus flagrant
En magnifiant un succès, l'histoire n'est pas seulement accusée de faire resurgir une littérature encombrante qui n'est qu'une suite d'âneries...
histoire de réception réputée pour être inutile aux philosophes
Au mieux, l'exercice historique est inutile. Il ne présente aucun intérêt pour les philosophes (Wotling, Lectures). Même si chronologie n'offre pas de garantie de "mieux" lire (Wotling), premiers lecteurs français disposaient d'éditions fautives, de mauvaises traductions françaises, d'informations biographiques mensongères, de correspondances trafiquées, d'un accès aux manuscrits réduit voire inexistant jusqu'à la mort d'EFN (1935).
Cet exercice inutile est globalement décourageant tant la littérature nietzschéenne est abondante (Wotling, Lectures).
Mais il est aussi dommageable car il donne à voir une littérature déformante/déformée qui forme une couche.
Les lectures passées représentent un amas nuisible pour un accès direct à Nietzsche
La neutralité est accusée de favoriser le relativisme
contestée dans son approche même: avec une neutralité qui favorise un relativisme dommageable pour la lecture de Nietzsche.
1/pb succès/popularité
2/pb succès/littérature encombrante
3/pb succès/relativité
Critiques pas insignifiantes
ce qu'on appelle avec enthousiasme un champ de la recherche quasi inépuisable, c'est bien le pouvoir de l'histoire de faire revivre de multiples Nietzsches, de faire renaître des Nietzsches à l'infini
on peut évoque indéfiniment les "présences de Nietzsche en France" qui forment une mosaïque de multitude de pierres différentes" (Schober, 2000)
renforce l'idée: "Man findet bei Nietzsche was man sucht" (Schober, 2009)
idée qu'on retrouve chez Taguieff: « Chaque "nietzschéen" a son Nietzsche à lui, un Nietzsche qu’il s’est fabriqué, conformément à l’esprit du temps ou contre lui ».
contribuer à l'émergence/résurgence d'une littérature nietzschéenne n'est pas neutre
=)moqueries (Tucholski) ou dénonciation d'une œuvre contradictoire/insane
=)moquerie/dénonciation de vieilles lectures ridicules/mauvaises
réel rôle de l'historien dans le risque de favoriser le relativisme (qui existait cependant avant!):
laisser/ne pas laisser dans l'oubli=une solution?
"Protégeons Nietzsche!" (Jean Lacoste, 2021) P.-A. Taguieff, M. Cohen-Halimi, J.-L. Bourgeois : protégeons Nietzsche !
mais gap avec des philosophes le plus souvent amusés, histoire anecdotique, passé folklorique
d'un point de vue technicien, les premières lectures appartiennent à un "préhistoire" (avant OPC Colli/Montinari)
gros clash avec philosophes qui disent "tout est mauvais" (Sarnel réinitialise, vocabulaire, détresse...)
dénonciation de la lecture profane, inévitablement mauvaise=mauvais lecteurs
=faute de Nietzsche: de la forme ésotérique/exotérique
ou démarche volontaire: "médi-cyniqueNietzsche: La parole cynique, c’est la parole uniquement préoccupée de dire ce qui est, sans aucun égard ni pour les convenances ni pour les conséquences. (...) un médecin qui – tenant son malade pour capable de supporter la vérité – ne s’embarrasserait pas de circonlocutions pour lui dire où il en est." (cours Fédier 1977/78) Microsoft Word - homo.doc
qui imposent (ou tentent d'imposer) "un" art de lire, limiter les mauvaises lectures, déviantes, dysfonctionnements
certains milieux universitaires surtout qui ont des règles, des critères pour juger les interprétations
approche technicienne indispensable -- ou initiation -- ou "élu"
même ceux qui ont renoncé à un "vrai", gardent encore le pouvoir de dire le faux, ou les écarts
clash avec des philosophes qui prônent une histoire critique
vieilles attaques reviennent: rats de bibliothèques, histoire antiquaire, historisme...
prônent même l'oubli contre cette histoire inutile et même nuisible
contre une littérature encombrante (D. Astor), une littérature décourageante (P. Wotling)
un passé qui ne passe vraiment pas: "Entre lui et nous, en effet, s’intercalent plusieurs types de parasites..." (Onfray, Du bon usage de Nietzsche, 2006)
pour démarche nietzschéenne: " Comme il s’agit du temps, Nietzsche en fait aussitôt paraître les trois visages : attendre le futur, oublier le passé, cueillir le présent. Oublier le passé n’est pas une obligation absolue : c’est oublier dans le passé ce qui pèse et risque d’entraver l’ascension. (Cours Fédier, 1977/78)
7 l'"impasse" sur la nazification de Nietzsche
hors sujet pour la réception française?
échelle française se prête mal à intégrer le sujet: sujet "allemand"
regretter que pas d'échelle européenne (livres ou colloques à ce sujet sont des collections d'études nationales)
idem avec EFN, guerres, Nietzsche-Archiv...
déjà Don + Dupré
être patient; trop tôt? accès aux archives...
question pour laquelle il faut se fier aux philosophes, c'est un sujet pour eux
peut-être leur domaine de compétence mais sujet brûlant, champ de bataille
indissociable de la grande question de la dénazification= des sauvetages de Nietzsche
en attendant, l'histoire s'écrit souvent sur la base de leur "sauver Nietzsche"
question seulement effleurée du point de vue historique
de grandes lignes... de clichés (nazification allemande/réparations françaises), des raccourcis navrants (EFN)
récit français hermétiques (silence) à littérature anglosaxonne et littérature marxiste (Lukaks, Odouev, Harich, Losurdo)
qq bien construits: Wie Nietzsche aus der Kälte kam, Montinari, Campioni, Paolo...
il y a des pb de conflit des "légendes": grande édition OPC Gallimard/usages de WzM/VdP
problème du sauvetage concerne les historiens qui y sont indirectement mêlés
ramène à la question d'avant "de multiples Nietzsches"
historiens qui auraient un rôle à jouer
conflit entre histoire et philosophie:
Sans se prononcer sur les "héritiers", l'histoire soutient en creux la croyance en un Nietzsche originel qui a de l'influence en France.
on a même aussi la possibilité d'inverser: The Influence of the World Wars on the Understanding of Friedrich Nietzsche By Grayson A Bodenheimer
On n'a pas l'impression d'un "becoming"
tandis que théorie de la réception admet le poids du lecteur
problème reste: Nietzsche est ce que chaque X en fait quand ce X s'impose à un moment donné et à une période donnée.
Clash avec les philosophes qui refusent que Nietzsche (temps 0) évolue dans le temps; confusion avec ce qu'il devient.
Marc de Launay, Nietzsche et la race
Dorian Astor: "il n'y a pas de réception" (Détresse)
8 Pistes
se reconnaître héritiers (davantage que comme justicier!) donne de la hauteur sans emprisonner
suggérer que moins un objet est étudié, plus c'est révélateur qu'il pose un problème actuel, mise en danger du présent, ou du futur
ex: pourquoi n'y a-t-il aucun article sur des débats ou polémiques? (comme Janicaud/Heidegger)
pourquoi la littérature anglo-saxonne est absente en France?
pourquoi des grandes figures restent inexplorées: H. Lichtenberger, Charles Andler...?
maigreur des sources= moyen de laisser la réception au niveau littéraire/intellectuel (pourtant "Man muss in die Breite gehen")
pas d'histoire du Nietzsche-Archiv au niveau européen (seulement Hoffmann, 1991): problème du nationalisme français des années 20/30, rôle des germanistes français...
pas d'historisation de la notion de "Nietzsche français": passion française, amour réciproque=pas neutre en soi; rarement interrogé comme processus d'expropriation
...
suggérer que la multiplicité des interprétations et usages de Nietzsche est symptomatique de l'incapacité des "intellectuels" à imposer leur autorité
aveu: c'est l'échec des philosophes!
physionomie de l'œuvre + lectorat inapproprié = échec du savoir
continuer quand même, l'air de rien...
essayer passage en force dans la sphère de l'élite, avec autorité (Wotling...), avec silence ou mépris des "autres"
historien d'aujourd'hui lui-même est un héritier, avec sa position d'intellectuel/universitaire, avec ses méthodes
il est le produit du processus qu'il prétend dépasser
il a une responsabilité dont il doit prendre conscience
Nietzsche peut revenir sur le devant de la scène, d'une bien mauvaise manière: la vérité?
son travail ne sert à rien s'il n'accepte pas de rentrer dans l'arène
neutralité pas davantage en danger - au contraire
neutralité n'est pas une marque de faiblesse (ZB par rapport aux philosophes)
ne pas refuser mais au contraire accepter de faire le lien entre les problèmes actuels liés à la réception de Nietzsche (philosophes, historiens/sociologues, enseignants, vulgarisateurs...) et les problèmes anciens, originels.
lien que l'histoire ne fait jamais apparaître sous couvert de position soit disant externe, objective!
L'histoire n'est pas un tribunal: à modérer
histoire de l'échec des philosophes: quels que soient les moyens employés, ils n'ont jamais réussi à empêcher une "réception populaire", profane
récupération politique
empêcher le succès de Nietzsche
le problème de la responsabilité de l'auteur
le rôle des déformations
histoire d'un faux: on peut avec histoire d'un livre: WzM
histoire des traductions
histoire des éditions
...
histoire du problème des "mauvaises lectures": un vieux problème!
des "mauvais" lecteurs: lecteurs répudiés
des lectrices qui appartiennent à l'ensemble des "mauvais lecteurs"
idem pour les jeunes!
histoire des jeunes lecteurs/lectrices: un ensemble qui serait assez homogène
histoire de quelques trajectoires individuelles à travers l'expérience de la guerre: 1914/1918 et 1939/1945; à travers les deux guerres: Bianquis
histoire des réparations: dès le début! dès 1892!
histoire de la valeur de Nietzsche
...
CONCLUSION
appel à continuer en 2003 pas entendu
histoire figée dans les cadres de LP (1996, 2013) et JLR (1997, 1999 et traductions)
un ancrage de l'historien pas clair
précautions oratoires et démarche clairement différente des philosophes qui jugent (modèle à peu près Politis/Kierkegaard, un peu moins agressifs, plus méprisants)
historiens qui à certains égards méritent bien reproches des philosophes: hors sol des enjeux
quel but fixer à l'histoire?