Bibliographie inédite des publications françaises sur Nietzsche 1868-1940

(Laure Verbaere et Donato Longo)

 

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Henri Bordeaux (1870-1963)


Romancier et critique littéraire français, Henri Bordeaux est issu d'une famille catholique et royaliste. Après des études de droit, il a fait ses débuts dans les lettres comme critique. Il a abandonné provisoirement Paris et a exercé le métier d'avocat de 1896 à 1900. A partir de cette date, il se fait connaître à nouveau comme critique et aussi en tant que romancier, notamment avec La Peur de vivre qui remporte un vif succès.



BORDEAUX Henry, {Les livres et les mœurs}, in Revue hebdomadaire, tome 4, mars 1899, p. 411-420.

Etude d’Emile Faguet, Questions politiques. Constate : « Et Nietzsche, niant la philosophie, nous assure que le penseur ne peut que nous conter l’histoire de son âme, et non enseigner une doctrine » (p. 413)

 

BORDEAUX Henri, "L'invasion étrangère dans la littérature française", in Le Correspondant, 25 décembre 1901, p. 1144-1163.

L'hospitalité intellectuelle de la France représente un danger pour la littérature française. Bordeaux passe en revue les dernières influences étrangères. Concernant l'Allemagne : "l'influence de cette littérature est nulle aujourd'hui" mais ajoute en note : "Il n'est question que de littérature proprement dite. Nietzsche, au contraire, a exercé une grande influence philosophique" (p. 1154). Ajoute avant de discuter l'accueil des œuvres de John Ruskin : "Je ne sais si la traduction des œuvres complètes de Nietzsche, le théoricien du sur-homme, le philosophe de la force et de l'orgueil, est destinée à recevoir bon accueil du public français. Elle ne nous apprendra point une métaphysique que nous connaissons" (p. 1155).

 

BORDEAUX Henry, La croisée des chemins, Paris, Plon-Nourrit et Cie, 1909.

Personnage "nietzschéen": vivre sa vie sans se soucier des autres...

Publié en feuilletons dans la Revue des Deux Mondes et dans  la Gazette de Lausanne (voir)

Voir le compte-rendu de Joseph Ferchat ou le compte-rendu dans la Revue pratique d'apologétique (1er juillet 1910).

 

BORDEAUX Henry, "La peur de vivre", in La Paix sociale17 février et 20 février 1910, p. 2.

Publication en feuilleton du roman déjà publié en 1902, couronné par l'Académie française et très souvent réédité (centième édition en 1914). Dans la préface, Henry Bordeaux constate qu'il est "dans les affaires, en politique, dans le monde, un peu partout, des hommes et même des femmes qui déploient de quelque manière leur force et leur courage. Ce ne sont pas nécessairement des bandits. Mais, tous, ils ne veulent obtenir de la vie que des joies ou tout au moins des sensations violentes, et prétendent la rejeter ensuite comme une orange exprimée. Ce sont des individualistes forcenés qui ne veulent garder aucune mesure dans la jouissance et ne voient dans l'univers qu'un héritage personnel à dilapider. Je les connais bien, pour avoir regardé souvent dans leur direction avec la fièvre du désir. Jamais on n'a repoussé avec autant d'insolence la possibilité d'une vie future, et jamais certains d'entre nous ne se sont précipités avec de si vaines ardeurs au-devant de tous les dangers de destruction, comme s'il fallait brûler cette vie unique pour trouver en elle quelque flamme divine. On la roule dans le tourbillon de la mort pour accumuler sa puissance en quelques secondes menacées.

Le romantisme, en proclamant le droit à la passion, le droit au bonheur, le droit à la liberté, encourageait ce développement de la force individuelle. Aujourd'hui un nouveau romantisme l'exalte, et ce sont principalement les femmes qui le prêchent. Leur avènement dans la littérature contemporaine qu'elles ont envahie n'est qu'un symptôme d'un féminisme plus général. Moins apte que l'homme à saisir l'ensemble complexe des vies sociale et morale, la femme nouvelle épuise d'un coup ses revendications, et va d'un bond au bout de la route où conduisent la confiance dans son pouvoir et cette vue bornée de l'univers qui se réduit à soi-même. Enfin l'individualisme

a trouvé son philosophe dans un poète, Nietzsche, d'ailleurs mal interprété, qui accorde au surhomme tous les droits, et comment ne pas se croire un surhomme, surtout si l'on est une femme moderne?"

Dans l'édition de 1914 (Paris, Fontemoing et Cie), cet extrait se situe p. 34-35.