Bibliographie inédite des publications françaises sur Nietzsche 1868-1940 (Laure Verbaere et Donato Longo)

 

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Lionel Dauriac (1847-1923)


Lionel Dauriac a été élève à l'Ecole normale en 1867, agrégé de philosophie en 1872 et docteur ès lettres en 1878. Il est successivement professeur de philosophie à l'Université de Lyon, de Montpellier et de Paris. Comme François Pillon, il appartient à l'école néo-criticiste et participe à L'Année philosophique, la revue qui la représente en France.



DAURIAC Lionel, "La philosophie de Richard Wagner", in Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 47, n˚4, avril 1899, p. 345-370.

Remarque : "(...) le cas Wagner, pour me servir de la fameuse formule de Nietzsche, est à peu près un cas unique dans l'histoire de l'esprit" (p. 364).

 

DAURIAC Lionel, "L'esthétisme et le wagnérisme" in La Grande Revue 4, 1899, p. 582-603.

Discute le point de vue de Nietzsche sur Wagner et la réception du Cas Wagner en France (p. 596).

 

DAURIAC Lionel, « Le testament philosophique de Renouvier », in Revue Philosophique de la France et de l'étranger, tome 57, n˚4, avril 1904, p. 337-358.

Esquissant la « curieuse et vaste cosmogonie antécosmique » de Renouvier, Dauriac développe l'idée selon laquelle « c'est le libre vouloir de la créature qui produit la faute et rend la chute inévitable » : « Les Caïns mirent à mort les Abels, et cela, sous l'empire de la « Volonté de puissance » qui s'était graduellement substituée à la volonté de justice. Nietzsche a développé longuement et superbement un thème analogue. Sa doctrine n'est-elle point, d'ailleurs, une apologie de la volonté de puissance? Seulement, et tout au rebours du vœu de Nietzsche, les vainqueurs de la veille ont expié leur victoire. » (p. 353)

 

DAURIAC Lionel, « Nietzsche (Fr.). - La Volonté de puissance », {Revue bibliographique}, in L'Année philosophique, tome 13, 1904, p. 233.

Salue la publication de « cet admirable livre » de Nietzsche, « la plus vigoureuse et plus riche de toutes ses œuvres » et insiste : « C'est l’œuvre d'un penseur et d'un philosophe ». Ne reconnaît l' « immoralisme » de Nietzsche que du point de vue social car Nietzsche est « tout le contraire d'un épicurien ou d'un hédoniste » et surtout « il est assez le contraire d'un pessimiste. » Conclut sur le sort de Nietzsche en France : « Il y a beaucoup de Nietzsche chez Corneille. De là vient qu'après lui avoir rendu hommage, on songe à lui rendre justice : il en était temps. » (p. 233)

 

DAURIAC Lionel, {Revue critique}, in Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 62, n˚7, juillet 1906, p. 64-81.

Compte-rendu de Th. Gomperz, Les penseurs de la Grèce. Histoire de la philosophie antique (p. 70-72). Constate que ce qui frappe Gomperz « pendant l'âge héroïque de la pensée grecque, c'en est précisément... l'héroïsme » et ajoute : « En écrivant ce mot j'espère ne point trahir le jugement de l'historien. Il est un héroïsme de l'action qui consiste, selon la belle expression de Nietzsche, à « vivre dangereusement ». La formule se passe de commentaires. Mais la pensée, elle aussi, a ses aventures, ses risques, ses dangers mêmes. » (p. 70)

 

DAURIAC Lionel, « Le crépuscule de la morale kantienne : impressions et réflexions sur la crise actuelle », in L'année philosophique, volume XVII, 1906, p. 125-151.

A la question « Kant ou Aristote » qui caractérise le déclin de la morale kantienne va se substituer ou plutôt se superposer le dilemme : Tolstoï ou Nietzsche (p. 140). Analyse l’œuvre de ces « deux maîtres » (p. 141-143) et se demande ensuite « pourquoi le dilemme « Tolstoï ou Nietzsche » se conclut le plus souvent, par l'option Nietzsche. » (p. 143-149) Conclut en remarquant que la crise actuelle dont Nietzsche et ses disciples sont à l'origine « est moins une crise de la pensée ou de la conscience, qu'une crise de l'imagination, autrement dit une crise surtout littéraire, quelques chose comme une survivance de feu le Romantisme. » (p. 151)

 

DAURIAC Lionel, « A. Chide. - L'idée de rythme », {I. Philosophie générale}, in Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 63, n˚2, février 1907, p. 206-209.

Signale que l'auteur « annonce le crépuscule du rationalisme, renouvelé du « Crépuscule des idoles » de Nietzsche et de son antisocratisme outrancier! » (p. 208) Se demande si Chide a lu Jules de Gaultier, De Kant à Nietzsche, mais constate que, « dans l'affirmative, ce serait son vrai maître. » (note 1, p. 208) Ajoute encore qu'il considère que l'ouvrage de Chide « est un signe des temps. Je ne sais pas d'ouvrage d'une actualité plus criante si ce n'est Il Crepuscolo degli Philosophi de Giovanni Papini, le bouillant « pragmatiste » italien, féru, tout comme M. Chide, de Nietzschéisme et d'Autothéisme. » (p. 208) Termine en signalant que la Revue de métaphysique et de morale a récemment consacré un article élogieux à l'idée de rythme et réclamé pour M. Chide une place d'honneur « parmi les jeunes philosophes animés de l'esprit nouveau. » (p. 209) Conclut à ce sujet : « Or, je me demande si une philosophie mélangée de barrésisme et de nietzschéisme, additionnée d'une forte dose de bergsonisme plus ou moins habilement « sollicité », a droit au nom de philosophie. » (p. 209)

Cf. A. Chide, L'idée de rythme, Digne, imprimerie Chaspoul, 1905.

 

DAURIAC Lionel, Le musicien-poète Richard Wagner, Paris, 1908.

 

DAURIAC Lionel, "Victor Brochard", {Nécrologie}, in Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 65, n°1, janvier 1908, p. 111-112.

Finit en soulignant la valeur des écrits de Victor Brochard : "Ses livres, sa thèse sur l'Erreur, et plus, bien plus encore, son ouvrage renommé sur les Sceptiques Grecs ont marqué une date dans l'histoire de notre littérature philosophique. M. Salomon Reinach estimait grandement ce livre, le livre d'un vrai savant, et quelqu'un qui s'y connaissait en philosophie grecque, avait éprouvé à le lire, l'une des dernières joies de sa vie consciente : ce quelqu'un était Frédéric Nietzsche." (p. 112)

 

DAURIAC Lionel, "Halévy (Daniel). - La vie de Frédéric Nietzsche", {Revue bibliographique}, in L'année philosophique, tome 18, 1910, p. 269-270.

Commence: "C'est là une des meilleures biographies qui m'ait été donné de lire" et insiste: "On a constaté qu'après avoir lu cette biographie, le Nietzsche que l'on s'était figuré jusqu'alors fait place à un autre Nietzsche et sans doute beaucoup plus ressemblant." (p. 269) Précise: "Nietzsche, rassurons-nous, garde son génie et un génie d'avant-garde. Mais c'est un génie d'une nature mixte, décidément exceptionnel, indéfinissable: avons-nous affaire à un penseur ou à un poète? C'est ici qu'il faut savoir se taire. Toute détermination n'est-elle pas une négation? M. Daniel Halévy nous exhorte à nous taire, à moins qu'il ne nous conseille l'usage excessif de l'une et de l'autre définition."

Estime pour sa part que Nietzsche restera quoi qu'il advienne célèbre comme poète tandis que comme penseur, il doit beaucoup à ses maîtres. Signale que c'est ce qui résulte de la biographie de Halévy et ajoute: "N'en soyons pas surpris. Plus une réputation dure, plus le nom qu'elle consacre recule dans le voisinage des autres grands noms précédemment consacrés. Nietzsche s'oppose délibérément à Schopenhauer, qui reste néanmoins parmi ses créanciers. D'où l'on pourrait conclure que la pensée de Nietzsche reste essentiellement et profondément germanique." (p. 270)

Conclut au sujet de la vie de Nietzsche en constatant que "non seulement il fût la proie d'un mal physique" mais qu'"il souffrit constamment du mal d'être inconnu. Ce professeur de philologie ancienne ne savait pas penser au ras des textes. Et les philologues ses collègues lui ont fait sentir un peu trop souvent et peut-être aussi trop cruellement qu'il n'était pas de leur espèce." (p. 270)

 

DAURIAC Lionel, "Faguet (Emile). La démission de la morale", in L'Année philosophique 1910, 1911, p. 230-231.

Conclut: " Donc  voilà un livre de philosophie qui n'a pas pour auteur un philosophe de profession et que Je recommande aux jeunes professeurs de philosophie. Ils en liront avec profit tous les chapitres. Peut-être même que le chapitre si diligemment étudié sur la Morale de Nietzsche leur servira-t-il de guide dans l'étude de cette morale nietzchéenne féconde en labyrinthes, mais en labyrinthes dont le fil conducteur de M. Faguet peut aider à sortir: à sortir, non comme un captif pressé d'oublier ses heures de prison, mais comme un voyageur soucieux de rédiger ses notes. Notre ami, si justement regretté, Frédéric Rauh, niait l'immoralisme de Frédéric Nietzsche et lui attribuait une morale personnelle de la valeur la plus haute. Cette opimun de philosophe vient de recevoir de M. Faguet une confirmation décisive. Et donc, nous autres philosophes, ouvrons nos rangs à Emile Faguet. Au surplus, M. Alfred Fouillée nous y invite, de quoi nous le remercions et félicitons" (p. 231)

 

DAURIAC Lionel, "Quelques réflexions sur la philosophie de M. Henri Bergson", in L'année philosophique 1911, 1912, p. 55-72.

Souligne les affinités entre Bergson et Nietzsche: "Vraiment quand on songe au plaisir avec lequel Nietzsche aurait lu et, commenté L'Évolution Créatrice, on regrette qu'il ne soit plus là pour assister

au succès de ce livre et pour constater chez nous l'existence d'un mouvement si favorable à la diffusion des idées bergsoniennes (cela va sans dire) et... nietzschéennes" (p. 58).

Note que l'avènement de la philosophie de Bergson a été "une sorte de coup de théâtre. Et comme après tous les coups de théâtre, on a quelque peine à se ressaisir, on a craint que la philosophie sombrât dans l'aventure et que le rêve de Nietzsche ne devint réalité: car on sait que Nietzsche est l'adversaire implacable de la raison et de la science" (p. 67)