Bibliographie inédite des publications françaises sur Nietzsche 1868-1940

(Laure Verbaere et Donato Longo)

 

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Remy de Gourmont (1858-1915)


Remy de Gourmont (1858-1915), auteur et critique français. Il participe régulièrement au Mercure de France où il s'occupe de plusieurs rubriques. En 1891, il se rend célèbre en publiant un article intitulé « Le joujou patriotisme » dans lequel il raille l'esprit revanchard des nationalistes français. Cette insolence lui vaut d'être renvoyé de son emploi de bibliothécaire. Aux côtés d'Alfred Vallette, il joue un rôle important dans l'histoire de la revue et dans le succès de la maison d'édition du même nom. A partir de 1895 et jusqu'à sa mort, il tient fidèlement la rubrique « Epilogue ». Au sujet des relations entre Remy de Gourmont et Nietzsche, cf. John Mccormick, « The Concept of Decadence : Remy de Gourmont, Nietzsche, and Some Others », in Regis Antoine (éd.), Carrefour de Cultures. Mélanges offerts à Jacqueline Leiner, Tübingen, Narr, 1993, p. 17-22.

Site: Les amateurs de Remy de Gourmont.

Voir les écrits publiés sous le pseudonyme de Robert de Bury



GOURMONT Remy de, "Dernière Conséquence de l'Idéalisme", in Mercure de France , tome 10, n˚51, mars 1894, p. 193-202.

"Nietzsche, le négrier de l'idéalisme, le prototype du néronisme mental, réserve, après toutes les destructions, une caste d'esclaves sur laquelle le moi du génie peut se prouver sa propre existence en exerçant d'ingénieuses cruautés. Lui aussi veut qu'on le connaisse et que l'on approuve sa gloire d'être Frédérik Nietzsche, - et Nietzsche a raison" (p. 201).

 

GOURMONT Remy de, {Littérature}, in Mercure de France, tome 18, n˚78, juin 1896, p. 443-446.

Compte-rendu de Léon Riotor, Des bases classiques allemandes, histoire de l'enseignement en Allemagne des origines aux temps modernes. Selon Riotor, l'individualisme "n'a pas fleuri en Allemagne". Remy de Gourmont s'étonne : "Pourtant Stirner, Nietzsche..." (p. 445).

 

GOURMONT Remy de, "Téodor de Wyzewa : Ecrivains étrangers", {Littérature}, in Mercure de France, tome 19, n˚80, août 1896, p. 351-352.

Compte-rendu élogieux du livre de Teodor de Wyzewa, en particulier des passages consacrés à Nietzsche : "Ce volume contient deux articles sur Nietzsche, en tout 50 pages qui sont assurément ce qu'on a écrit de plus net et de plus sérieux touchant l'auteur de Zarathustra ; il y a là autre chose que l'analyse des documents, un sagace examen des idées" (p. 351).

 

GOURMONT Rémy de, "Enquête sur l'influence des lettres scandinaves", in Revue Blanche, tome 12, n˚89, 15 février 1897, p.156-157.

Rappelle que la France a récemment subi "une influence double, quoique enchevêtrée dans ses résultats, philosophique et littéraire". A propos de l'influence philosophique d'Allemagne, constate : "Nietzsche a sans doute une responsabilité dans la folie d'écrivains quasi impubères, petits sur-humains pathologiques".

 

GOURMONT Remy de, "Nietzsche et l'Affaire", {Epilogues}, in Mercure de France, tome 32, n˚118, octobre 1899, p. 212-216.

 

GOURMONT Rémy de, "Contre l'intelligence", {Epilogues}, in Mercure de France, tome 33, n˚121, janvier 1900, p. 177-185.

A propos des "Intellectuels" : "L'intelligence, (...), n'avait en aucune façon déterminé l'attitude de cette troupe bienveillante ; l'intelligence n'exige pas la vérité, quoiqu'elle la cherche, mais sans espoir, avec un détachement nietzschéen, ni la justice, parce que l'idée de justice est vraiment trop paradoxale" (p. 181).

 

GOURMONT Rémy de, "Les suicides en famille", {Epilogues}, in Mercure de France, tome 33, n˚123, mars 1900, p. 756-762.

Ce sont le christianisme et le socialisme qui sont responsables des suicides collectifs. Contre ces crimes contre la vie, Gourmont refuse la douceur et propose plutôt: "Soyons durs".

 

GOURMONT Remy de, "Variations sur la recherche des causes, à propos d'un illustre incendie", {Epilogues}, in Mercure de France, tome 34, n˚124, avril 1900, p. 184-189.

Précise que ses "polémiques visent l'esprit protestant et non l'origine protestante ; (...). Nietzsche est né d'une famille de ministres luthériens. De quelle peau terrible il eut à se dépouiller, le magnifique serpent qui a mordu le Christ au talon!".

 

GOURMONT Remy de, "La mort de Nietzsche", {Revue du mois}, in Mercure de France, tome 36, n˚130, octobre 1900, p. 165-168.

 

GOURMONT Remy de, "M. Bjoernsterne Bjoernson, ou l'Ennemi précieux", {Epilogues}, in Mercure de France, tome 38, n˚137, mai 1901, p. 464-471.

Conclut : "M. Bjoernson a raison. Il y a deux mondes : le monde païen qui va d'un pas violent, indécis, ivre, on ne sait vers quoi, vers sa destinée ; et le monde chrétien, qui suit courageusement à deux ou trois siècles en arrière. Nietzsche, qui était allemand, le savait, - et il l'a dit, parce qu'il ne mentait jamais, étant païen".

 

GOURMONT Remy de, "Sur la liberté et la morale à propos de quelques petits faits récents", {Epilogues}, in Mercure de France, tome 40, n˚144, décembre 1901, p. 763-768.

A propos de la morale : "On ne peut plus songer sérieusement aujourd'hui, après Spencer et les évolutionnistes, après Nietzsche, ni à placer l'homme au-dessus du déterminisme universel, ni à figurer la morale telle qu'un surnaturel phonographe dont la trompe répéterait sans repos de catégoriques aphorismes" (p. 766).

 

GOURMONT Remy de, "L'idée de responsabilité, à propos du "Tueur de femmes"", {Epilogues}, in Mercure de France, tome 41, n˚146, février 1902, p. 465-468.

A propos du libre arbitre, critique la théorie des "idées-forces" d'Alfred Fouillée et postule que "la chaîne des causes n'a ni premier, ni dernier chaînon. Tout au plus, et c'est ce que Nietzsche ne put jamais prouver, peut-on supposer que la droite est un cercle à rayon infini et le plan une sphère à rayon également infini" (p. 466).

 

GOURMONT Remy de, "Nietzsche sur la montagne", in Revue du nouveau siècle 15 mars 1902.

 

GOURMONT Remy de, "La littérature et le nationalisme", {Epilogues}, in Mercure de France, tome 42, n˚148, avril 1902, p. 174-180.

A propos de la querelle entre Henry Bordeaux, Henri D. Davray et Descaves, discutant si on a tort ou raison de traduire les œuvres étrangères, Gourmont remarque que le "débat, si facilement soluble, serait futile s'il ne se rattachait à la grande question du nationalisme" et déclare quant à lui : "Nul patriotisme ne peut ma faire croire (...) que la lecture de Nietzsche se supplée par celle de M. Alfred Fouillée, ou Ibsen par M. de Curel" (p. 175). Gourmont estime par ailleurs qu'il faut être "durement et cruellement nationaliste" pour "goûter toute la saveur étrangère des autres fruits" et pour produire des œuvres originales et exceptionnelles : "C'est parce que la philosophie allemande est si follement allemande qu'elle s'est propagée dans le monde entier. Si Kant, Schopenhauer ou Nietzsche n'avaient représenté qu'un compromis entre les différentes philosophies pratiquées de leur temps en Europe, ils n'auraient jamais eu un quart d'heure d'existence" (p. 177).

 

GOURMONT Remy de, "Enquête sur l'influence allemande. M. Remy de Gourmont", in Mercure de France, tome 44, n˚155, 1902, p. 336-337.

"Pour la philosophie, l'influence de Kant décroît ; celle de Nietzsche augmente et celle de Schopenhauer n'est pas tout à fait morte. C'est qu'il avait été nourri de la pensée française et que nous retrouvons en ses écrits un peu de notre esprit et un peu de notre méthode. Les mêmes causes ont fait aimer Nietzsche dès qu'il a été connu. Son renversement des valeurs n'est souvent que le développement d'une idée pascalienne. Mais enfin il est allemand, bien que les Allemands ne le goûtent ni ne le comprennent, et son influence, qui est dès maintenant indéniable, s'exercera de plus en plus sur tous les esprits échappés du christianisme, c'est-à-dire revenus à la santé intellectuelle.

Ainsi notre philosophie, allemande depuis Kant, restera sans doute allemande, grâce à Nietzsche. Mais les Nietzschéens ne semblent pas avoir l'esprit servile des Kantiens ; Par delà le Bien et le Mal est bien moins pour eux un évangile qu'une introduction à des évangiles futurs, multiples et hardis en contradictions. (...)

En attendant que Nietzsche prenne le dessus ou qu'il se révèle une philosophie française dominatrice, Kant demeure le maître de la métaphysique et de la morale universitaire. C'est un grand mal" (p. 336-337).

 

GOURMONT Remy de, « Nietzsche et la princesse Bovary », in Mercure de France, tome 45, n˚158, février 1903, p. 461-462.

 

GOURMONT Remy de, « Luther et saint Vincent de Paul », {Epilogues}, in Mercure de France, tome 46, n˚160, avril 1903, p. 173-174.

Remarque que pour se détacher de la religion de Luther, il faut « un effort si énergique et si profond que l'exemple en est très rare et que la lutte laisse au vainqueur de douloureuses blessures. Nietzsche, qui se libéra des serres du mauvais oiseau, en resta tout meurtri et tout saignant. En pensant au christianisme, Nietzsche, selon les jours, se met à maudire ou à chanter, pour tromper sa terreur. » (p. 174)

 

GOURMONT Remy de, « Les Libres-penseurs », {Epilogues}, in Mercure de France, tome 46, n˚160, avril 1903, p. 174-175.

Ceux qui se disent « libres-penseurs » sont en fait « réactionnaires et cléricaux » et « leurs adversaires, aujourd'hui, ce ne sont pas des curés, mais des athées réalistes, des disciples de Hobbes et de Nietzsche, des hommes sans principes, sans morale, sans idéal, des hommes pour qui la vie est une mer inconnue où il faut naviguer à la sonde. » (p. 174)

 

GOURMONT Remy de, « La Libre-Pensée », {Epilogues}, in Mercure de France, tome 48, n˚167, novembre 1903, p. 470-476.

Remarque : « Disputer sur les croyances, c'est, selon le mot de Nietzsche, disputer des goûts et des couleurs, et, pire, car il n'y a là pour l'homme sage matière à aucune sensation, à aucune impression », p. 471. Précise plus loin : « Nietzsche n'a pas écrit « Par delà le vrai et le faux ». » (p. 472)

 

GOURMONT Remy de, Promenades littéraires, vol. 1, Paris, Mercure de France, 1904.

Contient « Nietzsche et l'amour ». (p. 89-95)

 

GOURMONT Remy de, Promenades philosophiques, vol. 1, Paris, Société du Mercure de France, 1905.

XII: "Nietzsche sur la montagne" (p. 176-177).

 

GOURMONT Jean de, "Collection des plus belles pages : Chamfort", {Littérature}, in Mercure de France, tome 56, n˚195, 1er août 1905, p. 435-437.

Chamfort pensait "qu'il fallait détruire les privilèges des castes, remplacer l'aristocratie du nom par l'aristocratie de la force et de l'intelligence". Gourmont remarque dans en note : "On retrouve cette idée dans Nietzsche." (p. 435)

 

GOURMONT Remy de, Epilogues 1905-1907, Paris, Société du Mercure de France, 1907.

Cf. C. Forth, Becoming a destiny, p. 269. Plusieurs fragments et aphorismes de Remy de Gourmont sur Nietzsche ont été repris dans Remy de Gourmont, Des pas sur le sable (1908), réédition: Rennes, éditions Ubac, 1989, p. 14, 26, 33, 56.

 

GOURMONT Remy de, « Les Lettres françaises et la concurrence des morts », {Epilogues}, in Mercure de France, tome 68, n˚241, 1er juillet 1907, p. 115-119.

A propos de l'article 3 d'un projet de loi qui vise à taxer les traductions, Gourmont raconte dans quelles conditions s'est négocié l'achat des droits de traduction des œuvres de Nietzsche et remarque que si une telle loi avait existé, le Mercure de France aurait renoncé à publier du Nietzsche.

 

GOURMONT Remy de, Promenades philosophiques, vol. 3, Paris, Mercure de France, 1908.

Plusieurs fois autour de la même idée. "Nietzsche nous éclipse tous, nous qui avons voulu penser d'après nous-mêmes, avec ingéniosité et avec contradiction. Il a pensé plus fort ; il était d'une nature plus opulente. Mais qu'on n'aille pas chercher dans Nietzsche, tout ce qu'il y a de nietzschéen dans notre littérature, depuis dix ans, car sa grandeur est précisément que sa pensée était pensée à côté de lui-même" (p. 259).

Et : "Nietzsche stupéfie. Pourquoi ? A bien réfléchir, on verra qu'il n'exprime presque jamais que des vérités de bon sens". (p. 277)

Et : "Nietzsche a été un révélateur, au nouveau sens photographique. Le contact de son œuvre a mis au jour les vérités qui sommeillaient dans les esprits". (p. 277)

Et : "Nietzsche a ouvert la porte. Maintenant on entre de plain pied dans le verger dont il fallait, avant lui, escalader les murs". (p. 287)

 

GOURMONT Remy de, "Le Maître d'école", {Causeries}, in La Dépêche, 24 janvier 1910, p. 1.

Les enfants ont besoin d'une morale simple, pas de Nietzsche. 

 

GOURMONT Jean de, "Dieudonné Tête, par Pierre Jaudon", {Littérature}, in Mercure de France, tome 90, n°329, 1er mars 1911, p. 145-149.

Remarque que le livre de Pierre Jaudon, "plein de verve, semble écrit par un Laforgue qui aurait lu Nietzsche et ... Jarry" (p. 149).

 

GOURMONT Remy de, Pendant l'orage, Paris, Champion, 1915.

A propos de la guerre, allusions à Nietzsche.

 

GOURMONT Remy de, Pendant la guerre, Paris, Mercure de France, 1917.

Nombreuses allusions à Nietzsche.

 

GOURMONT Remy de, "Trois essais. La culture allemande", in Mercure de France, tome 123, n°464, 16 octobre 1917, p. 607-622.

Sur Nietzsche.