Bibliographie inédite des publications françaises sur Nietzsche 1868-1940 (Laure Verbaere et Donato Longo)

1868-1910: BIBLIOGRAPHIE ET COMMENTAIRES DE LAURE VERBAERE

 

(en savoir plus)

1908


Articles qui évoquent Nietzsche


BOS C., "Systematische Philosophie, von W. Dilthey, A. Riehl, W. Wundt, W. Ostwald, H. Ebbinghaus, R. Eucken, Fr. Paulsen, W. Münch, Th. Lipps", in Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 65, n°1, janvier 1908, p. 100-107.

Dans le compte-rendu consacré à l'étude de W. Wundt, signale que l'auteur constate chez les naturalistes une résurrection de la métaphysique dans trois directions : poétique, dialectique et critique. Remarque : "D'ailleurs, avant même qu'on ne le constate chez les naturalistes, le renouveau des mêmes tendances était apparu chez les philosophes eux-mêmes : Schopenhauer, Hartmann, Fechner et Nietzsche marquent un retour du caractère poétique, - tandis que la double direction dialectique est reprise, d'une part par Hegel (qui continue Platon), de l'autre par Herbart (qui continue Aristote)." (p. 102)

 

DAURIAC Lionel, "Victor Brochard", {Nécrologie}, in Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 65, n°1, janvier 1908, p. 111-112.

Finit en soulignant la valeur des écrits de Victor Brochard : "Ses livres, sa thèse sur l'Erreur, et plus, bien plus encore, son ouvrage renommé sur les Sceptiques Grecs ont marqué une date dans l'histoire de notre littérature philosophique. M. Salomon Reinach estimait grandement ce livre, le livre d'un vrai savant, et quelqu'un qui s'y connaissait en philosophie grecque, avait éprouvé à le lire, l'une des dernières joies de sa vie consciente : ce quelqu'un était Frédéric Nietzsche." (p. 112)

 

LALANDE André, "Pragmatisme, humanisme, et vérité", in Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 65, n°1, janvier 1908, p. 1-26.

A propos des deux ouvrages qu'il se propose d'analyser, remarque : "Tous les deux sont des recueils de pièces détachées, articles ou conférences, réunies par quelques idées communes : que la vérité et la représentation elle-même dépendent de l'action, qu'il n'existe aucune pensée purement intellectuelle, aucune "immaculée connaissance", comme disait Nietzsche, et que toute opération mentale, tout jugement, tout raisonnement, n'a de sens que par le mouvement total qui le porte et par le but où il tend (...)." (p. 1)

  

B. O. de, "Revues étrangères", in Revue hebdomadaire, 1er janvier 1908, p. 272-280.

Réponses à une enquête sur les relations franco-allemandes. Nietzsche est cité par Eugène Melchior de VogüéGeorges Renard et M. Ernest Charles.

 

VERHAEREN Emile, "La condamnation de la Prusse. Réponses à l'appel de Sienkiewicz en faveur des Polonais", in L'Echo de Paris, 4 janvier 1908, p. 1.

"Monsieur, Si une nation mérite d'être aimée et admirée de toutes les autres, certes, c'est la vôtre, si simplement héroïque et si hautement cultivée. Vos poètes sont des directeurs de conscience européenne et vos héros sont aussi grands que les plus universellement chantés. Voilà pourquoi la nouvelle persécution qu'on dirige contre la Pologne révolte plus que toute autre. Elle est brutale comme si elle frappait un peuple barbare, alors qu'en réalité elle s'acharne sur un peuple d'élite. Elle n'a aucune excuse. Je veux croire que toute l'Allemagne pensante y est étrangère et qu'il est temps encore, grâce aux protestations venues du pays même qui vous opprime, de la con jurer. Si cela n'était pas, si le pays de Goethe, de Schiller, de Kant et de Nietsche [sic] oubliait à tel point son rôle et sa destinée, il ne resterait plus qu'à ranger le gouvernement prussien au nombre des monstrueuses tyrannies d'Orient. Il travaillerait à son indignité avec des mains sauvages".

 

LEP S., "Gendelettrie et Basbleuisme", in L'Ouest-Eclair (Rennes), 10 janvier 1908, p. 1.

Se moque d'une "gaffe" de Marcelle Tinayre (aussi d'Anna de Noailles) et conclut: "Nietsche [sic] disait qu'il y avait des superhommes. Pourquoi faut-il que nos superfemmes fassent avec tant d'allégresse des supergaffes?"

 

SEILLIERE Ernest, "Les cinq générations du romantisme", in Revue bleue, tome IX, n°2, 11 janvier 1908, p. 54-57.

Enumérant les cinq générations du romantisme, remarque que "Nietzsche flotte entre la quatrième et la cinquième génération." (p. 57)

 

COMPAYRE Gabriel, "Agrégation de l'enseignement secondaire des jeunes filles (Lettres)", in L'Enseignement secondaire des jeune filles, 15 janvier 1908, p. 105-119.

Rapport du concours 1907. Constate (et regrette) que les aspirantes aient beaucoup cité Nietzsche et n'aient pas hésité à lui emprunter "les idées les plus bizarres" (p. 107).

 

Anonyme, {Le Sottisier universel}, in Mercure de France, tome 71, n°254, 16 janvier 1908, p. 384.

"Mme Foerster-Nietzsche, la veuve du célèbre philosophe. - Gil Blas, 24 décembre."

  

NOZIERE, "A Bâtons rompus", in Le Temps, 22 février 1908, p. 2.

Moquerie dans un dialogue:

- Vous avez une belle énergie I

- Oui! Je suis une surfemme.

- Vous avez lu Nietzsche?

- Non. Mais je sais l’orthographe de son nom : un de mes amis était attaché à l’ambassade d’Allemagne."

 

Anonyme, "L'Individualisme économique et social, ses origines, son évolution, ses formes contemporaines, par Albert Schatz", in Revue de métaphysique et de morale, tome XVI, n°2, supplément de mars 1908, p. 1-2.

Précise que l'auteur veut réhabiliter la doctrine individualiste en réaction contre le socialisme à la mode. Résume puis conclut : "L'erreur de M. Schatz est, croyons-nous, d'avoir voulu parler la langue, nécessairement mal faite, des partis politiques. Pour avoir voulu faire rentrer tous les penseurs du siècle dernier dans les deux grandes armées du socialisme et de l'individualisme, quels états-majors hétéroclites n'a-t-il pas été condamné à donner aux deux partis! A gauche, Rousseau, Hegel, Karl Marx. A droite, Adam Smith, Proudhon, Léon XIII et Frédéric Nietzsche." (p. 2)

 

Anonyme, "La dépendance de la morale et l'indépendance des mœurs, par Jules de Gaultier", in Revue de métaphysique et de morale, tome XVI, n°2, supplément de mars 1908, p. 2-3.

Résume le point de vue de Jules de Gaultier : "Pour constituer une morale collective, ni le logicien, ni le philosophe, ni le savant ne conviennent, mais seulement l'homme doué d'une sensibilité fortement accentuée, le créateur de valeur, le héros de Carlyle ou le surhomme de Nietzsche. A tout débat de conscience en vue de savoir qui a tort et qui a raison, doit être substituée cette seule interrogation possible : sommes-nous des hommes de même désir?" (p. 3)

 

Anonyme, "Spinozismus. Ein Beitrag zur Psychologie und Kulturgeschichte des Philosophierens, von Dr. E. M. Gans", in Revue de métaphysique et de morale, tome XVI, n°2, supplément de mars 1908, p. 8-10.

Constate qu'il s'agit d'un livre "à la manière de Nietzsche" : "C'est une série de "considérations" sur le spinozisme. Considérations à la Nietzsche - comme on en fait beaucoup en Allemagne, en ce moment - sur la psychologie de la philosophie et la psychologie du philosophe. Considérations à la Nietzsche, écrites "à la manière de Nietzsche" avec une continuelle affectation de tragique et de familier. Pastiche appliqué, où manquent la verve et l'imprévu du maître. Sans doute, à la page 5 Socrate est bien traité de "Philistin", et de "petit bourgeois d'Athènes" ; on peut lire à la page 6 une réhabilitation de cette brave femme de Xantippe ; à la page 96 la philosophie de Spinoza est bien qualifiée de "tragi-comédie". Mais c'est uniquement par de tels traits que la manière de M. Gans s'apparente à la manière de Nietzsche." (p. 9)

 

DELVAILLE Jules, "L'année philosophique, 1906", {I. Philosophie générale}, in Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 65, n°3, mars 1908, p. 293-297.

Au sujet de l'article de Lionel Dauriac, "Le Crépuscule de la morale kantienne", signale qu'au dilemme : "Kant ou Aristote", se superpose le dilemme : "Nietzsche ou Tolstoï" puis résume et commente : "On s'adresse à Nietzsche, car on désire se débarrasser de tous les devoirs de surcharge. Mais cette crise, ce ne sont pas les philosophes qui l'ont fait naître ; ce sont plutôt des écrivains, des artistes, des esthètes qui s'insurgent contre la doctrine du péché, contre l'impératif catégorique. Nietzsche a eu pour précurseurs Renan, dans les Dialogues et dans les drames, Guyau dans l'Esquisse, et M. Maurice Barrès, bien que ces écrivains aient parfois pensé autre chose que ce que leur a pris la génération qui les a lus. Nietzsche, refusant d'admettre morale ou science qui seraient imposées par une loi supérieure aux consciences, favorise l'individualisme anarchique ; aussi, la crise actuelle est-elle une véritable épidémie d'individualisme à outrance. Quoi qu'il en soit, elle servira à montrer que l'explication morale de Kant n'est ni infaillible ni définitive ; mais il ne faut pas oublier qu'elle est moins une crise de la pensée ou de la conscience qu'une crise de l'imagination ; c'est surtout une crise littéraire." (p. 297)

 

DUJARDIN Edouard, "Le mouvement symboliste et la musique", in Mercure de France, tome LXXII, 1er mars, 1908, p. 5-24.

Raconte: "A l’époque où nous devînmes des jeunes hommes, Wagner était entré déjà, ainsi qu'Hugo, dans l’immortalité ; à peine quelques-uns de nous purent-ils l’entrevoir. Nietzsche a vécu loin de nous, inconnu de nous ; il s’est enfui, terriblement solitaire, dans les montagnes de l’Engadine et a disparu du milieu des hommes, sans que les jeunes gens qui alors approchaient de la trentaine aient seulement soupçonné ce génie et cette agonie ; et c’est une tristesse dont beaucoup restent inconsolés. Au-dessus de notre jeunesse, nous n’eûmes que Mallarmé (…)" (p. 23).

 

GAULTIER Paul, "L'indépendance de la morale", in Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 65, n°3, mars 1908, p. 256-273.

Conteste la prétention des biologistes à fonder une morale : "Rien donc de plus extra-scientifique et de moins justifié que tous les essais, quels qu'ils soient, qui ont été faits de divers côtés, - que ce soit par M. Gumplowicz ou par M. Lilienfeld, pour ne rien dire de Nietzsche, - d'une morale purement biologique." (p. 259)

Dénonce le moralisme, qui fait de l'éthique une question de sentiment, parce qu'il prépare la négation de la moralité : "Effectivement, parce que la foi morale qu'il institue est un sentiment sans aucun fondement dans la conscience ou dans la nature, l'idéal moral qu'il invoque s'y superpose comme s'il lui était, non seulement tout à fait étranger, mais hostile. C'est autoriser les réflexions des Stirner et des Nietzsche, qui, après avoir qualifié la morale d'illusion, l'accusent d'être nuisible, de marcher contre la nature et, pour ainsi dire, à rebours." (p. 270)

Conclut que affirmer l'illégitimité d'une science de la morale entraîne un scepticisme pratique qui lui même a son naturel et nécessaire aboutissement dans "un amoralisme qui permet, à son tour, toutes les fantaisies de l'immoralisme de la puissance ou de la volupté, ainsi que Nietzsche en est l'illustration qui commença par renverser les tables de valeurs et contester à l'éthique le titre de science." (p. 273)

 

"Notre enquête. Le rôle de l'Ecole et de l'Université dans l'œuvre d'éducation démocratique", in Le Sillon, t. 1, n°5, 10 mars 1908, p. 171-183.

Réponses à une enquête sur l'enseignement. Réponse de Baptiste Jacob, maître de conférence (p. 172). A son avis, "un Etat a toujours le droit de professer, dans son enseignement officiel, les principes sur lesquels il se fonde, et (...) il me paraît donc parfaitement légitime que notre démocratie républicaine enseigne dans ses écoles la république et la démocratie. Mais j'y mets une condition: c'est que l'Etat ne s'attribue pas le monopole de l'enseignement et qu 'il laisse se constituer des écoles où pourront être affirmés d'autres principes que les siens. Je n'aime pas l'aristocratisme de Renan ou de Nietzsche, mais il me paraîtrait intolérable que Renan ou Nietzsche fussent privés de la faculté d'enseigner leurs idées aux adolescents dont les familles partageraient ces idées. J 'ai d'ailleurs très nettement exprimé mon avis sur ce point dans un article sur la crise du libéralisme qu'a publié la Revue de métaphysique et de morale au mois de janvier 1903".

 

FLAT Paul, {Théâtre}, in Revue bleue, tome 9, n°11, 14 mars 1908, p. 348-350.

Compte-rendu d'une pièce d'Henri Bataille, La Femme Nue. Se demandant ce qu'Henri Bataille a voulu montrer, pense que c'est une question qu'il faut se poser car il faut "s'en tenir à l'ingénieuse doctrine soutenue par Nietzsche du Pouvoir de l'art, opposée à celle de l'art pour l'art." A ce sujet, cite quelques lignes de Nietzsche qu'il approuve totalement (p. 349).

 

Anonyme, "A toi, Nietzsche! A toi, Pasteur!", in La Gazette de la capitale, 15 mars 1908, p. 10.

Surnom de Georges Clemenceau: le surhomme tétanique.

 

BERTH Edouard, "Marchands, intellectuels et politiciens (Fin)", in Le Mouvement socialiste, n°196, 15 mars 1908, p. 202-222.

Berth reproduit (p. 202-204) et commente (p. 204-205 et 208-209) des extraits de Nietzsche, Origine de la Tragédie, qui constituent selon lui "une préface toute indiquée à cette philosophie de la production que nous voudrions dégager et dont l'idée de la grève générale est le mythe grandiose." (p. 202)

 

FLORENCE Jean, "Considérations sur le Romantisme et la première génération post-romantique", in La Phalange, n°21, 15 mars 1908, p. 829-833.

Estime que le romantisme correspond à un déluge de livres destinés à plaire à des millions de lecteurs ; face à ce déluge, "une nouvelle aristocratie se forme, aristocratie spontanée de rescapés. Déjà on lui impose des noms : Nietzsche parle du Surhomme et Wells des Samouraïs. Peu importe le nom, nous sommes sûrs d'avoir la chose! Nous sommes sûrs d'être la première génération post-romantiques." (p. 832-833)

 

WEILL L., "Henri Lichtenberger. - L'Allemagne moderne. Son évolution", {Analyses et comptes rendus}, in Revue internationale de l'enseignement, tome 55, n°3, 15 mars 1908, p. 274-275.

Fait l'éloge du livre d'Henri Lichtenberger, "sérieux et utile" mais regrette l'absence de vue d'ensemble : "Qu'il s'agisse du libéralisme ou de la politique coloniale, du catholicisme ou de la libre pensée, de Nietzsche ou de Wagner, on souhaiterait ne fût-ce qu'un aperçu des mouvements concomitants dans d'autres pays." Critique l'application d'Henri Lichtenberger à "introduire en français le plus de germanisme possible" : "Quel avantage y-a-t-il à parler des "années trente" de la vie "agonate" du réalisme "nitzschéen"? ou bien d'avoir recours à des tournures comme celle-ci : "et si tout le monde ne se hâtera pas de conclure de là, comme Nietzsche, qu'ils sont encore insuffisamment affranchis, on s'expliquera en revanche, aisément, etc." ?" (p. 275)

 

DUBOIS Lucie, "Stendhal en Amérique", {La France jugée à l'étranger}, in Mercure de France, tome 72, n°258, 16 mars 1908, p. 374-378.

Compte-rendu de James Huneker, "A Sentimental education. Henry Beyle-Stendhal", publié dans le Scribner's Magazine. Rappelle que Stendhal mit son empreinte "sur Nietzsche, qui lui doit tant, qui y trouva la morale de l'égotisme." (p. 374)

  

"Notre enquête. Le rôle de l'Ecole et de l'Université dans l'œuvre d'éducation démocratique", in Le Sillon, t. 1, n°6, 25 mars 1908, p. 207-216.

Réponse de Lucien Brocard, professeur d'économie politique à la Faculté de droit de Nancy. "(...) l'expérience nous révèle qu'on peut contribuer à faire sortir de la conscience de l'homme par une éducation appropriée et qu'on en voit sortir tous les jours les conceptions les plus manifestement destructrices et antisociales, ou au contraire les plus généreuses et les plus fécondes: l'idéal nietzschéen du surhomme qui n'aspire qu'à déployer ses énergies et à vivre « dangereusement », ou l'idéal chrétien et humain aussi, de justice, de liberté et d'amour. Suivant qu'un homme s'inspirera de l'une ou de l'autre de ces deux conceptions, il se comportera dans la vie comme l'homo homini lapus de Hobbes qui se complaît dans la mêlée humaine, qui renverse et piétine impitoyablement, ou comme le bon citoyen, qui sans oublier que l'homme est asservi à ses intérêts, dominé par des instincts de combat et qu'il est lui-même un homme, sans méconnaître les dures nécessités de la vie sans énerver les énergies, s'efforce cependant d'organiser, de régulariser, d'atténuer les inévitables luttes, de respecter la faiblesse et de soulager la souffrance" (p. 211-212)

 

CHIDE A., "Pragmatisme et intellectualisme", in Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 65, n°4, avril 1908, p. 367-388.

Constate une crise de "la pensée claire", admet qu'elle a commis des excès, "qu'elle a cru à la suite de Descartes, tirer d'elle-même tout le cosmos et qu'à la suite de Kant elle a fait mieux encore, s'est mise délibérément à la place de Dieu et par ses décrets a constitué le monde. Il ne lui restait plus, pour arriver aux dernières limites de l'autothéisme, qu'à se déclarer, avec Nietzsche et son Zarathoustra, créatrice de valeurs, en supprimant ce vieux fond théologique de la Raison cosmique". Cependant, se demande si c'est un motif suffisant "pour prononcer la déchéance et lui substituer, pas même le sentiment trouvé encore trop lumineux, mais l'action et sa mystérieuse dialectique." (p. 370)

Estime que la réaction contre l'intellectualisme va parfois trop loin, notamment chez certains esthète "agissant pour agir, pour le simple plaisir de traduire sous le soleil les gestes qui lentement sont issus de son tréfonds, manifestent à la clarté l'on ne sait quelles intentions profondes - perverses ou non, la chose demeure énigmatique après Schopenhauer et Nietzsche..." (p. 371-372)

Etudie le pragmatisme en se référant au Nietzsche de la "première période, toute pleine de la hantise de Schopenhauer" (p. 381) et remarque que "Nietzsche semble croire - c'est l'aboutissement fatal du pragmatisme - que la plus vitale de toutes les logiques est probablement la plus aberrante, j'ai nommé le rationalisme." (p. 381)

 

PARODI Dominique, "La Morale des idées-forces", in Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 65, n°4, avril 1908, p. 337-366.

Souligne que l'ouvrage d'Alfred Fouillée est l'aboutissement d'une entreprise philosophique soucieuse de ne pas perdre contact avec son temps. Rappelle que sa pensée, "si merveilleusement intelligente et souple, la plus hospitalière et la plus compréhensive qui soit, avait semblé suivre docilement, dans ces dernières années, tous les mouvements de l'opinion philosophique, pour les critiquer et les juger ; avec celle-ci elle abordait tour à tour les problèmes de l'enseignement ou les études de psychologies nationales, ou regardait de près, sans hostilité de parti-pris, mais avec une clairvoyance pénétrante, les modes et les idoles du jour, Nietzsche et l'immoralisme, la réaction anti-kantienne, dont elle avait été en partie l'initiatrice, l' "amoralisme contemporain", ou encore la constitution de la nouvelle école sociologique." (p. 337)

Fait l'éloge de la "morale de la conciliation et de la bonté" de Fouillée en remarquant que le "moment est passé des systèmes rigides et froids." Ajoute : "En revanche, l'amoralisme nietzschéen ou néo-hédonisme, si fréquent dans la littérature courante, est une doctrine de dissolution où la pensée philosophique ne saurait s'arrêter longtemps." (p. 352) Devant l'impuissance du positivisme et l'inefficacité du sociologisme dogmatique, conclut que "le problème se pose donc bien tel que M. Fouillée l'aperçoit : il s'agit de réconcilier, en faisant à chacun sa juste part, tous ces éléments divers, également agissants autour de nous, naturalisme et idéalisme, positivisme scientifique et exigences du sentiment, expansion individuelle et règles sociales, prétention illimitée du moi à se créer ses tables de valeur, et force bienfaisante des traditions et des contraintes collectives." (p. 353)

  

COMBARIEU Jules, "Histoire du Théâtre lyrique. Le culte de Dionysos", in La Revue musicale, vol. 8, n°7, 1er avril 1908, p. 193-200.

Cours au Collège de France.

Extrait: "Dans un livre qui est plein d'étrangetés, de chimères et de belles fulgurations, Nietzsche a mis son intelligence à la torture pour découvrir un lien entre ces deux extrêmes: le culte de Dionysos, tout de libre joie sensuelle, et le spectacle offert à la foule (comme épisode d'une fête !) des pires catastrophes que l'homme puisse connaître. Avec sa grande imagination d'esthéticien allemand et romantique, Nietzsche agrandit le problème et y voit tout de suite un intérêt d'ordre universel. En constatant chez les Grecs un désir toujours grandissant de réjouissances bruyantes, avec un amour contraire de l'« horrible », une âpre inclination pour le mythe tragique, pour tout ce qu il y a de terreur, de cruauté, de mystère, de néant, de fatalité au fond des choses de la vie, il pose des questions troublantes comme celles-ci : en somme, le sensualisme débridé des Hellènes n'était-il pas fait de détresse initiale, de misère, de mélancolie et de douleur ? ou bien, si l'on admet l'antériorité du bonheur de vivre, le tragique sort-il naturellement de la force, de la santé exubérante, de l'excès de vitalité ? Y a-t-il une névrose de la jeunesse des peuples et de leur adolescence ? Les Grecs, précisément dans la splendeur première de leur jeunesse, ont-ils eu le besoin du tragique parce qu'ils étaient pessimistes ? Nietzsche, très intrépide, va jusqu'à demander : s'il est vrai que le culte de Dionysos est d'un naturalisme absolument libre, ignorant le quod decet des sociétés modernes, et que ce culte coïncide avec la plus grande force du génie grec et l'éclat premier de sa jeunesse, faut-il dire que tout ce qui est venu plus tard pour régler la nature (goût, logique, morale, esprit scientifique) n'a pu être qu'un symptôme du déclin de la force, une preuve de vieillesse, de lassitude physiologique, le signe d'une corruption à laquelle il fallait trouver un remède?... J'indique ces problèmes à titre de curiosité ; je n'ai nullement à les résoudre. Je me bornerai à marquer les étapes principales de l'évolution d'où le théâtre lyrique est sorti" (p. 193-194).

 

GAULTIER Jules de, "Le bovarysme de l'histoire", in Mercure de France, tome 72, n°260, 16 avril 1908, p. 577-593.

Discussion en regard de Nietzsche, Considérations inactuelles. David Strauss. De l'utilité et des inconvénients des études historiques, traduites par Henri Albert. Rappelle sa théorie du Bovarysme et précise en effet que l'examen des Considérations inactuelles "permettra de préciser, par des applications concrètes, les vues abstraites et théoriques que l'on vient de rappeler." (p. 579)

A propos de l'article de Louis Dumur : "Quelque sympathie qu'inspire la pensée de M. Louis Dumur, excellente à tant d'égards, et en raison même de l'autorité que l'on attribue à ses jugements critiques, il est impossible de ne pas protester contre cette appréciation (...). M. Dumur a-t-il oublié cet aphorisme de la Volonté de Puissance où Nietzsche, niant la possibilité que l'existence ait un but ("Si la vie avait un but, il serait atteint de toute éternité"), nie l'existence de l'être au profit d'un devenir sans fin! Nietzsche est expressément le philosophe du devenir et pour se former une idée du sens plus général de sa philosophie, il faut en revenir au jugement déjà cité que je portais sur elle en De Kant à Nietzsche et selon lequel je la tenais pour un principe d'accélération du mouvement de la vie éternellement impatiente de se surmonter en ne nouvelles métamorphoses." (p. 583)

  

Anonyme, "Le mobilisme moderne, par A. Chide", in Revue de métaphysique et de morale, tome XVI, n°3, supplément de mai 1908, p. 8.

D'emblée : "Nietzsche semblait avoir fait peu de disciples en France : quelques esprits ardents paraissent pourtant se proposer aujourd'hui de nous donner quelque chose de sa manière romantique et violente, de son dogmatisme négatif, de sa philosophie au fond si essentiellement antiphilosophique. M. Jules de Gaultier représentait cette tendance : il faut joindre désormais à son nom celui de M. Chide."

  

MERTENS Bertha, "La genèse psychologique de la conscience morale", in Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 65, n°5, mai 1908, p. 483-502.

A partir de cas de physiologie morbide, entend démontrer que "la morale procède d'une diffusion des fonctions dans le métabolisme général" et remarque : "Nietzsche, dans une intuition géniale, toucha la question d'amoralité liée à la physiologie normale. Depuis près d'un siècle cependant le problème tourmente la littérature et la philosophie française." (p. 484) Constate que dans son livre, Le mécanisme des émotions, Paul Sollier a confirmé "par l'analyse rigoureuse l'intuition de Nietzsche sur la généalogie de la morale." (p. 491) A l'appui de sa démonstration, cite Nietzsche : "Tout instinct est avide de domination et comme tel il aspire à philosopher" pour montrer que l'état organique détermine l'ordre des valeurs dans la représentation (p. 492). Cite encore mais cette fois conteste : "Toute morale qui, jusqu'à présent, a été enseignée, vénérée, prêchée, se dirige, au contraire, précisément contre les instincts vitaux ; elle est condamnation, tantôt secrète, tantôt bruyante et effrontée de ces instincts." (p. 496) Se fonde sur un autre extrait en signalant la contradiction (p. 497).

 

SEGOND J., "Publications récentes sur la morale", {Revue générale}, in Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 65, n°5, mai 1908, p. 503-526.

Au sujet de Jean DelvolvéL'organisation de la conscience morale, signale que l'auteur confronte sa théorie de l'art morale aux doctrines morales contemporaines : "Elle l'oppose, non seulement à la conception chr??????s, R. Eucken, Fr. Paulsen, W. Münch, Th. Lipps ", in Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 65, n°1, janvier 19l (Stirner et Nietzsche)." (p. 509)

  

Anonyme, "Lettre d'un universitaire", {Tribune électorale}, in La Dépêche de Brest, 8 mai 1908, p. 1.

Invoque Nietzsche pour justifier son vote.

   

LICHTENBERGER Henri, "Ernest Seillière. La philosophie de l'Impérialisme, tome IV : le Mal romantique, Essai sur l'impérialisme irrationnel", {Littérature allemande}, in Revue universitaire, tome I, n°5, 15 mai 1908, p. 409-411.

Estime qu'"il serait aisé d'interpréter à l'aide des idées de M. Seillière l'évolution de la littérature allemande depuis le Sturm und Drang ou le romantisme de Schlegel, Novalis et Tieck jusqu'au dionysisme de Nietzsche ou néo-romantisme contemporain" (p. 410).

 

LICHTENBERGER Henri, "H. Roettenken. - Heinrich von Kleist ; Wissenschaft und Bildung 22", {Littérature allemande}, in Revue universitaire, tome I, n°5, 15 mai 1908, p. 411.

 

Souligne que l'auteur de cette biographie de Kleist "se refuse à faire de lui un "anormal", à nous le décrire comme un dégénéré et comme un malade." Ajoute aussitôt :" Je ne saurais assez l'en louer. Il est très facile et aussi très vain de souligner outre mesure les excentricités de certains grands artistes comme Kleist ou Nietzsche et de les représenter comme des "monstres" très éloignés de l'humanité saine et morale."

 

RIVAROL, "Echos", in L'Action française, n°61, 20 mai 1908, p. 1.

Signale qu'Emile Faguet abandonne son feuilleton au Journal des Débats et remarque : "On ne verra plus, les soirs de première, la silhouette légèrement hirsute de cet excellent homme averti de Nietzsche et démodé comme un personnage de La Bruyère, amoureux de la mesure et du baroque." (colonne 5)

  

GIDE André, "Dostoievski d'après sa correspondance", in La Grande revue, 25 mai 1908, p.  289-315.

Citation de Nietzsche en exergue et parallèles entre Dostoïevski et Nietzsche.

Article repris dans André Gide, Dostoievski, Paris, Plon, 1923

Un extrait est publié dans Paris-Midi, 27 avril 1911, p. 2.

 

ATALONE, "Dangereusement", in L'Auto, 30 mai 1908, p. 1.

 

FLAT Paul, {Théâtres}, in Revue bleue, tome 9, n°22, 30 mai 1908, p. 700-702.

A propos de Snegourotchka, pense que la musique étonnera car le goût musical a subi vingt années de "wagnérisme aigu" et cite Nietzsche pour illustrer "l'action propre des vrais novateurs." (p. 701)

  

PAULHAN Fr., "Gaultier (Jules de). - L'indépendance de la morale et l'indépendance des mœurs", {II. Morale}, in Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 65, n°6, juin 1908, p. 654-657.

Tout en émettant des réserves, souscrit globalement à la théorie de Jules de Gaultier selon laquelle les mœurs gardent "leur indépendance non seulement vis-à-vis de la morale, mais encore vis-à-vis de la logique, et leur caractère incalculable, rebelle à toute déduction." Les vertus morales, qui s'opposent sous un certain jour complètement aux "vertus logiques" sont "tout d'abord, le parti-pris, ce roc de fatalité", ce "je suis cela" de Nietzsche, indemne de toute motivation, décelant la présence effective, à titre d'élément chimique et de corps simple, d'une modalité indécomposable du fait, puis, à la suite de cette vertu dont on est tenté de dire qu'elle a la valeur positive d'une propriété, l'intransigeance, la fidélité à soi-même et à sa volonté, le degré de force et de courage en vue de la faire triompher, l'esprit de risque et l'intrépidité, d'un mot d'héroïsme qui incite à lutter et à jouer sa vie pour une cause dont les chances sont inconnues et dont on sait seulement qu'elle est sienne." (p. 655)

  

Anonyme, "Le christianisme et la formation de l'individu", in La Croix, 16 juin 1908, p. 1.

Reproduit la réponse de Paul Bourget à l'enquête publiée dans Le Matin du 15 juin 1908.

 

LASSERRE Pierre, "Abel Bonnard (fin) ; Opinion d'une femme sur la "Princesse de Clèves"", in L'Action française, n°88, 16 juin 1908, p. 3.

A propos d'une suite de poèmes d'Abel Bonnard consacrés à l'Héroïsme, Lasserre soutient : "(...) il n'y a pas poésie si les grandes pensées ne se font pas chair et vie, et image et passion. Je suis souvent offensé dans ces vers par un certain didactisme et, qui pis est, un didactisme nietzschéen. Hercule lui-même parle trop souvent comme un héros à la Nietzsche, comme un héros de cabinet, comme un héros sans œuvres. (...) Il a trop soin de souligner que ses exploits ont pour but la culture de sa personnalité intégrale et je n'attends pas des exploits bien considérables d'un homme ni même d'un demi-dieu qui pense tant à ça..." (colonne 3)

  

LALANDE André, "Vocabulaire technique et critique de la philosophie", in Bulletin de la société française de philosophie, tome 8, 2 juillet 1908, p. 334.

Définition de l'immoralisme : "doctrine de Nietzsche". Critique : "Cette expression est à désapprouver". Radical international : "Il n'y pas lieu de proposer de radical international."

  

MYCHO André, {Ce que disent nos lecteurs}, in Le Matin, 6 juillet 1908, p. 2.

Contre la "cure d'énergie" préconisée par Daniel Lesueur et certains "alarmistes". "Qu'ils voyagent donc, ces alarmistes d'abord dans Paris et même dans les quartiers ouvriers. Puis, dans les campagnes, dans les villes de province, et, plus loin, en Italie, en Allemagne, en Angleterre et jusqu'au Japon. Ils verront alors une multitude infinie de gens actifs, robustes et courageux, auxquels une diminution des impôts, du prix des loyers et des denrées alimentaires ferait plus de bien que toutes les divagations de Nietzsche sur l'énergie par l'obéissance (?) et autres histoires à dormir debout!"

 

NICOLAS Pierre, "Walt Whitman (1819-1892)", in Pages libres, 16, 11 juillet 1908.

  

LAURIN M. T., "L' "Amoralisme" à l'école primaire, par Gabriel Compayré", {Revue des revues. Les revues françaises}, in Le Mouvement socialiste, n°200, 15 juillet 1908, p. 78-79.

Commente l'article de Gabriel Compayré.

 

LEOGUIL, "Ma gazette", in Les Tablettes marseillaises, 15 juillet 1908, p. 2.

Développement ironique à propos de l'appel à la volonté de Daniel Lesueur.

  

FEUILLEDEVIGNE, {Echos}, in Le Supplément, 28 juillet 1908, p. 1.

Nietzsche fait partie des quarante auteurs choisis (23ème) pour composer une bibliothèque d'ermite, selon une enquête de la revue Coenobium. Moquerie.

  

FOUILLEE Alfred, "La volonté de conscience comme fondement philosophique de la morale", in Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 66, n°8, août 1908, p. 113-137.

Constate : "Un des caractères dominants de la philosophie, à notre époque, c'est qu'elle est devenue volontariste" et se propose d'étudier la "volonté de conscience". (p. 113) Précise aussitôt : "telle est la formule que, dans un récent ouvrage, nous avons proposée pour donner une base immanente, non transcendante, à la philosophie théorique et pratique. Il nous a semblé nécessaire d'emprunter la terminologie de Schopenhauer et de ses continuateurs, pour marquer notre opposition même à ceux qui ne considèrent que la volonté de vie ou la volonté de puissance. (...) En outre, ces termes ont l'avantage de mieux "situer" la doctrine des idées-forces au milieu des théories contemporaines avec lesquelles elle soutient des rapports. Nous ne voudrions pas paraître faire des emprunts à certaines doctrines, comme celle de Nietzsche, que, par plusieurs points, nous avons nous-mêmes devancées." (p. 113) Tout au long de sa réflexion, se réfère de nombreuses fois à Nietzsche soit pour montrer ses erreurs (p. 117), soit pour nier son originalité en insistant sur ses précurseurs (p. 114 et p. 128), soit enfin pour subordonner les idées de Nietzsche à sa théorie des idées-forces (p. 132-133).

 

JANKELEVITCH Dr. S, "Walter Pollack. - Ueber die philosophischen Grundlagen der wissenschaftlichen Forschung, als Beitrag zu einer Methodenpolitik", {I. Théorie de la connaissance}, in Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 66, n°8, août 1908, p. 180-181.

Cite un passage de l'ouvrage : "(...) La volonté de vérité est une expression de l'impuissance créatrice de la volonté... La puissance de la volonté se mesure par l'aptitude plus ou moins grande à se passer du sens des choses, à vivre dans un monde dépourvu de sens, parce qu'on en organise soi-même un morceau" et remarque : "C'est à ces paroles de Nietzsche et à la conception nietzschéenne en général que M. Pollack rattache ses idées sur les fondements philosophiques de la recherche scientifique." (p. 180) Ajoute encore : "On considère généralement que la fin et l'aboutissement de tout travail scientifique consistent dans la recherche de la vérité objective. Avec Nietzsche, l'auteur trouve cette manière de considérer la science comme étroite et de nature à paralyser l'action." (p. 180)

 

LANDRY Adolphe, "Rudolf Goldscheid.- Entwicklungs-werttheorie. Entwicklungsökonomie. Menschenökonomie. Eine Programmschrift", {IV. Sociologie}, in Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 66, n°8, août 1908, p. 204-205.

Remarque avant de conclure : "J'ai résumé les conceptions que M. Goldscheid nous expose. Ces conceptions ne sont pas toutes aussi neuves que notre auteur paraît dire quelque part. Ce qu'il y a de plus original dans son système, c'est l'importance qu'il y donne au futur, - sous l'influence de la doctrine évolutionniste en général, et plus particulièrement sous l'influence de Nietzsche, - c'est la place qu'il y donne à l'idée du "développement"." (p. 205)

 

MIOMANDRE Francis de, "Propos", in L'Occident, tome 8, août-décembre 1908, p. 86-97.

Compte-rendu d'Oscar Wilde, De Profundis. Termine: "Il y avait au fond de son cœur quelque chose des saints et des martyrs. Et cette famme divine brûla, lorsqu'elle bondit, tout ce qu'il avait amasse au-dessus de superficiel et de faux. Mille méditations fécondes ressortent de cet exemple unique.

Pour moi j'y verrai avec un contentement profond l'avènement ou plutôt la résurrection d'un idéal autrement élevé que celui que précipita dans le monde un philosophe qui fut d'ailleurs un ascète. La morale de Nietzsche n'est autre que J'hédonisme, en dernière analyse. Elle a eu un prodigieux succès parce qu elle était proposée à des foules lasses du sacrifice, mais les résultats qu'elle donne ne peuvent être bons que pour les élites. La morale des esclaves, - et j'appelle esclaves tous ceux qui souffrent - n'a pas de fixité formelle,

ne dépend pas d'un dogme, mais elle possède un caractère universellement semblable : c'est de préférer à tout le dévouement et d y trouver toute la joie. Et c'est une morale sublime. On peut être hédoniste, mais cette théorie ne peut guère valoir que pour l'époque de la vie où on ne réfléchit pas. La moindre épreuve, physique ou morale, ramène au respect de la douleur et à l'amour du sacrifice. La vie et le malheur d'Oscar Wilde illustrent cette remarque d'une manière saisissante. Quarante ans employés à cueillir les fleurs, jusqu'au

vertige, pour reconnaître que tout cela ne pouvait pas avoir de valeur devant la réalité vraie du monde et de l'âme, et que la félicité suprême consiste à ne pas la chercher pour soi !" (p. 97)

 

MILLIOUD Maurice, "La formation de l'idéal", in Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 66, n°8, août 1908, p. 138-159.

Se demandant, ce que se passe en nous quand un idéal se forme et ce qui se passe quand il est formé, prend un exemple d'ordre littéraire : "Qu'est-ce donc qu'on faisait passer dans l'idéal romantique? Tout un ensemble de tendances, tumultueuses et comprimées, qui, de cette façon se traduisaient et, en se traduisant, se dépensaient et s'apaisaient. (...) Ce qui entre dans l'idéal en détermine la formation, ce sont les tendances refoulées, non celles qui se développent librement." Remarque : "C'est en pleine période d'industrialisme, de civilisation commerciale et de solidarisation croissante des intérêts matériels que Nietzsche a proclamé son ivresse de la solitude, son culte de la personnalité, son mépris de celui qui marche avec la caravane humaine." (p. 152)

  

BENRUBI J., "Le mouvement philosophique contemporain en Allemagne", in Revue de métaphysique et de morale, tome 16, n°5, septembre 1908, p. 547-582.

Cite en note Simmel, Schopenhauer und Nietzsche, p. 572. Constate l'influence du kantisme dans les universités françaises et remarque que "Fichte, Hegel, Schelling, Schopenhauer, Hebart, Hartmann, Nietzsche ont des admirateurs et des disciples parmi les représentants du monde universitaire". S'agissant de Nietzsche : "(...) s'il n'a pas d'élèves parmi les professeurs de philosophie, on s'efforce du moins de l'interpréter d'une manière impartiale et de voir en lui quelque chose de plus qu'un "immoraliste" et un fou." (p. 578)

 

CALDERON Fransisco Garcia,  "La philosophie dans l'Amérique du Sud", in Revue de métaphysique et de morale, tome XVI, n°5, septembre 1908, p. 674-681.

Bilan : "Ni le kantisme, ni l'hégélianisme, ni le pessimisme, parmi les grandes écoles du siècle, n'ont suscité d'imitateurs. Il n'en a pas été de même pour le positivisme de Spencer, et, tout dernièrement, pour les idées de Nietzsche." (p. 681)

 

MACKENZIE J. S., "La philosophie en Grande-Bretagne", in Revue de métaphysique et de morale, tome XVI, n°5, septembre 1908, p. 583-606.

Note : "Le "Problème de la Conduite" de Taylor trahit l'influence de Bradley et celle de Nietzsche, et il a une très considérable valeur critique." (p. 599)

  

JANKELEVITCH Dr. S., "Du rôle des idées dans l'évolution des sociétés", in Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 66, n°9, septembre 1908, p. 256-280.

Examinant le rôle respectif des facteurs matériels et des idées dans l'évolution historique et sociale des peuples civilisés, estime pour sa part : "Ceux qui ont conçu l'évolution historique comme un mouvement circulaire, qui n'y ont vu, comme Vico, qu'une série de corsi e ricorsi ou, comme Nietzsche, un "éternel retour" des mêmes faits et des mêmes événements, doivent leur erreur précisément à leur incapacité de s'abstraire des faits pour ne considérer que les idées et de discerner parmi ces dernières celles qui ne sont que de simples survivances, qu'un effet de la répercussion produite dans les esprits par la persistance du passé et celles qui, après avoir engendré le passé, conditionnent le présent et commencent à percer les nuages qui voilent l'avenir." (p. 277)

  

GAULTIER Jules de, "Une philosophie est-elle encore possible?", in Mercure de France, tome 75, n°270, 16 septembre 1908, p. 245-252.

  

JOLLIVET Gaston, "L'Ecole polytechnique", in Le Progrès de la Côte-d'Or, 29 septembre 1908, p. 1.

Rapporte: "Nous employons à l’Ecole une méthode que nous croyons bonne pour apprendre à apprendre. Plus tard, dans le loisir des carrières abordées par lui, notre ancien élève peut, avec cette méthode, devenir, sinon le « surhomme » de Nietzsche, du moins un homme aussi complet que possible. Et notre but sera tout à fait atteint."

  

CHARPENTIER J. -L., "Les médecins et l'idéal scientifique à la scène", in Revue du mois, tome 6, n°34, 10 octobre 1908, p. 457-480.

Chambalot, le héros de Paul Adam (Les Mouettes) n'est qu'une caricature du surhomme de Nietzsche.

  

BATAULT Georges, "L'idée d'évolution et le concept de durée", in Revue des idées, n°59, 15 octobre 1908.

Constate que le concept de durée, inséparable de l'idée d'évolution, est réintégré dans la philosophie et dans les sciences grâce à Bergson, mais aussi grâce à Nietzsche.

 

BRULAT Paul, "L'éducation sociale", in Le Radical, 29 octobre 1908, p. 1.

S'oppose à Nietzsche: "Nietzsche ne serait pas si célèbre, si les nouvelles générations n'avaient été préparées à accueillir favorablement ses désolantes doctrines d'un individualisme forcené. Sa détestable gloire, lui vint de ce qu'il exprima les tendances et flatta l'orgueil d'une jeunesse âpre, avide, rusée, troupeau d'arrivistes, qui se croient supérieurs et peut-être destinés à devenir, des surhommes, parce qu'ils sont dépourvus de scrupules, de générosité, de sens moral et de tous les sentiments dont s'honore quiconque a vécu, réfléchi et souffert.. Tout l'art de vivre, heureusement, ne consiste pas à découvrir un plus faible que soi, pour en faire sa proie". Argumente.

  

DELACROIX H., "Le IIIe Congrès international de philosophie", in Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 66, n°11, novembre 1908, p. 528-545.

Signale l'intervention de Calderon portant sur les courants philosophiques dans l'Amérique latine qui rapporte : c'est "la philosophie française surtout avec Comte, Fouillée et Guyau qui a eu la plus grande influence dans les Républiques latines. L'évolutionnisme de Spencer et Nietzsche y ont suscité des imitations." (p. 541)

 

FONTAINE Abbé J., "L'oligarchie pseudo-démocratique et la déchristianisation. Suite (1)", in Revue catholique des institutions et du droit, novembre 1908, p. 428-446.

Etudie la position d'Alfred Fouillée en faveur d'un « rationalisme pur ». Note qu'il ne veut rien des extravagances de Nietzsche, ni du contingentisme (p. 435).

 

RIBOT Th., "L'antipathie : étude psychologique", in Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 66, n°11, novembre 1908, p. 498-527.

Soutient l'idée qu'il existe des antipathies innées et d'autres acquises. Propose des exemples de "marche progressive vers l'antipathie totale" en remarquant qu'elle "s'affirme encore plus nettement dans les cas où la sympathie (au sens d'affection bienveillante) se transforme en antipathie. Prend alors l'exemple de Nietzsche : Qu'on relise dans l'œuvre de Nietzsche le fragment intitulé "Le cas Wagner", on verra la disposition sympathique (amitié, admiration), se changer peu à peu en son contraire : l'antipathie esthétique, philosophique, morale, religieuse et finalement personnelle." (p. 512)

  

LALOY Louis, "Opéra", in Mercure musical, vol. 4, 15 novembre 1908, p. 87-90.

Nous "voulons un art humain. Wagner, comme Nietzsche, n'est plus de saison. De ses œuvres altières, nous n'apercevons plus que les cimes ; le brouillard en mange les assises, une à une, et monte. Nous leur tournons le dos" (p. 89).

 

THOMAS Louis, "Jules de Gaultier", in La Phalange, n°29, 15 novembre 1908, p. 425-429.

Décrit Jules de Gaultier comme un disciple de Nietzsche qui "va plus loin que son maître, et se distingue de lui par des qualités toutes personnelles, le goût de l'ordre constructeur et une sagesse qui lui permettent d'ignorer cette fureur combative dont Nietzsche fut toujours animé." (p. 425) Analyse les ouvrages de Jules de Gaultier, De Kant à Nietzsche (p. 426-427), et Nietzsche et la Réforme philosophique (p. 428-429).

  

"Société de sociologie de Paris, séance du mercredi 11 novembre 1908", in Revue internationale de sociologie, n°12, décembre 1908, p. 858-876.

Communication de Mme Aurel (p. 869-875). Sur Nietzsche: "Ce qui caractérise l’antiféminisme littéraire quand il devient brutal, c’est son manque absolu d'observation, nous vînt-il des plus grands esprits.

Je vais vous citer un ou deux exemples (…). Il est trop certain que tous ceux qui, en ce moment, dévorent de la femme seraient les hommes les plus doux s’ils nous adressaient la parole (mais oui, sans cela ils n’auraient aucun talent!) Aussi personnellement ces violences me sont-elles suspectes. Et cependant citons. Le grand Nietzsche avait dit, voici un quart de siècle: «Si tu vas parmi les femmes, prends ton fouet ! » Or, me dit Henri Albert, son traducteur admiratif et passionné, Nietzsche est mort chaste, et peut-être bien de cela. Il fallait bien payer un jugement pareil, et fondé sur quoi, je vous prie, puisqu’il n'a vu les femmes que de loin? (p. 870)

  

FOUILLEE Alfred, "La propriété comme fonction sociale et droit individuel", in Revue bleue, tome 10, n°24, 12 décembre 1908, p. 737-741.

Reconnaît que l'instinct de propriété est naturel. Avant de développer à ce sujet son idée de "volonté de conscience", remarque : "Les disciples de Nietzsche l'expliqueront par la volonté de puissance, qui fait que nous voulons dominer les choses, exercer sur elles notre force propre et les tourner à nos fins." (p. 738)

 

MURET Maurice, "Emerson", {Notes de littérature étrangère}, in Journal des Débats, supplément du 13 décembre 1908, p. 2.

Constate le récent intérêt pour l'œuvre de Emerson et se demande : "Aurons-nous tantôt des Emersoniens comme nous avons déjà des Schopenhaueriens et des Nietzschéens? J'en serais, à vrai dire, fort surpris."

  

LICHTENBERGER Henri, "Rudolf Burghaller. Phryne. Drama in einem Vorspiel und drei Akten", {Littérature allemande}, in Revue universitaire, tome II, n°10, 15 décembre 1908, p. 424.

Explique qu'il s'agit d'un drame philosophique qui montre "dans la destinée de Praxitèle et de Mnésarété (Phryné) la genèse de l'Homme supérieur et de la femme idéale." Loue la pièce et son auteur en reconnaissant qu'il ne connaît "aucune œuvre française aussi authentiquement nietzschéenne par l'inspiration et la psychologie."

  

FOUILLEE Alfred, "La propriété comme fonction sociale et droit individuel", in Revue bleue, tome 10, n°25, 19 décembre 1908, p. 777-781.

Oppose à nouveau la "volonté de conscience" à la "volonté de puissance". (p. 777)

 

ROBERT Albert, "Lettres parisiennes", in La Petite Gironde, 20 décembre 1908, p. 1.

Réponse à une lettre de lectrice qui veut savoir "si Nietzsche peut être compris par une femme instruite ; s’il est un profond, noble et grand philosophe ; s’il a écrit pour les masses ou seulement pour des élus ; quel but il se proposait, et si les femmes qui prétendent l’avoir com pris ne sont point des échappées du Livre des Snobs".

 

ARCHAMBAULT Paul, "La violence", in Le Sillon, t. 2, n°24, 25 décembre 1908, p. 466-474.

Dénonce l'inspiration directement nietzschéenne du livre de Georges ValoisL'Homme qui vient. (p. 468)

  

BINET Alfred, " Une enquête sur l'évolution de l'enseignement de la philosophie ", in L'année psychologique, tome 14, 1908, p. 152-231.

Analyse les réponses à la troisième question de l'enquête : " Dans quelle mesure les recherches scientifiques, les idées morales du temps présent, exercent-elles une influence sur votre enseignement? " (p. 174-181) Cite : " Personnellement cette influence est toute puissante...(...) Nos cours valent dans la mesure où nous y faisons pénétrer ces idées nouvelles. - Dans une très large mesure. Je ne conçois pas, par exemple, une leçon sur les Atomes, où on discute (!) Lucrèce et où on ignore Thomson ; je ne conçois pas davantage un cours de morale où on discute le communisme de Platon, où on ignore le mouvement ouvrier contemporain, où on s'escrime contre Protagoras, et où on ne cite même pas Nietzsche. " (p. 175)